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simple et alors si commune, l'histoire des Ramus et des Amyot, des Cujas et des Paradin : un enfant de la campagne, pauvre et isolé, qui a la passion innée de l’étude, qui s'instruit tout seul au prix des plus touchants efforts; un jour la protection de quelque bienfaiteur, d'un prêtre, d’un parent plus aisé, le fait envoyer au collège, et les lettres ont gagné un fervent de plus. Telle est la légende véritable qui sert de préface aux plus belles vies du XVIe siècle et à celle sans nul doute de notre modeste héros.

Il ne l’a pas racontée, il n'a pas songé que cela méritat d'être écrit. Il y a deux races d'hommes à l'époque de la Renaissance, et elles n’ont jamais été plus tranchées : les uns tout occupés d’eux-memes, les autres de leurs doctrines; ceux qui rêvent sans cesse à la postérité, et ceux qui n'y ont jamais pensé. Les premiers nous accablent de confidences naïves autant que frivoles, les autres n’ont pas un mot d’autobiographie. Chatillon fut de ceux qui tenaient leurs idées pour affaire capitale, leur personne pour néant. Ces grands lutteurs ne soupçonnaient pas que leur vie même était le meilleur de leurs enseignements, et qu’un temps viendrait où, sans être sceptique, on donnerait de grand cœur beaucoup de leurs in-folio théologiques pour le moindre recueil de leurs lettres familières.


Ce qui attirait particulièrement à Lyon, vers 1530, la jeunesse des provinces voisines, c’était un établissement municipal de récente création et déjà en plein succès, le collège de la Trinité.

Ce petit collège n’avait été longtemps qu’une modeste école établie dans les « granges »[1] du couvent, au milieu des vignes et des prairies[2], par les soins et aux frais d’une sorte de confrérie laïque de bourgeois lyonnais. La prospérité même de leur entreprise les avait amenés à la remettre aux mains de la ville en 1527. Le clergé, il est vrai, avait fait des difficultés, réclamé, menacé au nom des droits de l’Église

  1. Maison de ferme et dépendances.
  2. Rabanis, Notice historique sur le collège de Lyon.