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de Lyon, à ce moment, c’était l’imprimerie. Dès le XVe siècle l'imprimerie lyonnaise avait dépassé celle de Paris; au XVIe, plus de cent imprimeurs y exercaient « l’art divin »; sous leurs ordres, l’industrie· du livre occupait une élite de typographes, venus d’Italie, d’Allemagne et de France.

Si l'on ne pouvait plus citer parmi les vivants d’aussi illustres exemples que celui de Jean Lascaris corrigeant les premières éditions de Trechsel, on pouvait voir chez Sébastien Gryphe, alors le prince des imprimeurs lyonnais, des « courriers » (correcteurs) qui s’appelaient Hubert Sussanneau, Étienne Dolet, Francois Rabelais.

Avec Gryphe rivalisaient les Jean de Tournes, les Roville, les Frellon, les Rigaud, et, pour l'impression en langue vulgaire, les Francois Juste et les Nourry. C’est des presses lyonnaises que sortirent par milliers, en un petit format commode jusqu’alors inconnu, ces bonnes éditions classiques qui mettaient enfin les textes à la portée des étudiants.

Une ville ou l'imprimerie occupait une si grande place ne pouvait manquer d’être le rendez-vous des lettrés; il y régnait une activité intellectuelle que le reste de la France ne connaissait pas encore. Paris même n’avait pas autant de sève littéraire : surveillé de trop près par la Sorbonne, il offrait beaucoup moins de sûreté à tout ce peuple de jeunes disciples de la Renaissance que Lyon sollicitait par tant d’attraits :


Urbs quæ lautitiis, jocis, poetis,
Urbs quæ mercibus omnibus redundat,
Multos et tulit et tenet peritos;...
Urbs quæ semper alit disertiorum
Linguas mirifice favetque musis[1].


Ainsi parle Voulté de la ville aimable « qui sert les Muses et que les Muses servent en retour ».

C'est à Lyon que nous allons retrouver Sébastien Chatillon à l’âge de vingt ans. Quand et comment il y vint, nous l’ignorons, mais nous n’avons qu’à refaire pour lui cette histoire si

  1. Voulté, Epigr., IV, p. 216.