Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce que vous me dites, c’est nous qui aurons la-dessus tout à apprendre de vous, puisque vous avez entre les mains des documents nouveaux. Nous avons essayé de montrer que Castellion traite la Bible non comme un livre humain, mais comme un livre dont la lettre est humaine et la pensée divine. La pensée lui est. sacrée, il la recueille ii genoux. Quant ài la lettre, il ne sa reconnait qu’un seul devoir : la reproduire aussifidelement que le permettrontlétat des documents, la clarté plus ou moins grande du texte et les propres lumieres du traducteur. Seulement, qu’est—ce que la fidélité d`une traduction? Pour Castellion ce 11’est pas la transcription littérale des mots et des phrases, le calque interlinéaire et servile. Traduire n’est pas une opération de marqueterie consistant ri décomposer une phrase en tous ses éléments et a la reconstituer terme pour terme sans souci de l’ell`et général. Ce qu’il faut trans- I porter d’une langue dans l’autre, ce ne sont pas les matériaux . de la parole, c’est la parole vivante, avec son mouvement, son accent, sa chaleur. La même idée, fut-elle énoncée au moyendes memes mots, n’est pas du tout la même suivant qu’elle est dite en vers ou en prose, en style familier ou en style relevé, au propre ou au figuré,. sincerement ou ironi- _ quement, avec calme ou avec passion. Rendre ce son proprede la voix qui parle, de telle sorte qu’on croie l’entendre; faire distinguer, dans la traduction mème, la nuance et le ton de la pensée originale; produire, ai l’aide du latin ou de francais, l’impression même que pro- duit le texte grec ou hébreu ai qui le lit couramment : telle est, pense Castellion, la vertu que doit avoir une véritable traduction, celle surtout des livres saints. A chacun de ces livres de la Bible, il va donc essayer, avant tout, de conserver sa physionomie distincte : il traduira poé- tiquement les poètes, enstyle dïhistorien les livres histori- ques, en forme d’adages et de sentences les livres de Sa- lomon. Il regrette même de ne pouvoir, comme il le faudrait, I traduire en vers lyriques tout le livre des Psaumes ‘. 1. Préface du Psalteriunz. ` _