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30/1 SÉBASTIEN CASTELLION. C’est donc at Edouard VI que Castellion va dédier sa tra.- duction de la Bible. La lettre qui place sous ce royal patrc·- nage le fruit de tant de labeurs est courte, simple, p1·esque sèche, tant elle parle peu du traducteur et de ses mérites; elle tranche de la facon la plus rude avec le ton alors uni- ' versellement admis pour les épît1·es dédicatoires, elle saisit par sa franchise, sa netteté, sa hardiesse. Comme aux premiers initiateurs de la Réforme, la propa- gation de la Bible bien traduite lui semble encore être le plus grand besoin du temps. Mais il ne se fait plus les illusions que Jean Huss, Luther même ont pu nourrir : la Bible, mieux comprise et plus répandue, it elle seule ne changera pas le ' monde. Notre siecle, dit—il en.substance, est encore plongé da11s les ténèbres. L’Évangile ne 1·èg11e pas encore. Est—cc ]’instruction qui manque? Les lettres n’ont jamais été plus cultivées. D’ou vient donc notre ignorance en matière reli-- gieuse? Uniquement de IIOS vices, de notre impiété. « Les impies, dit le prophète, ne peuvent comprendre Dieu »; el; au. contraire « les secrets de Jéhova, dit David, se révèlent à. ceux qui le craignent >>. L’amour de Dieu, une ame pure, une piété vraie au fond du cœur et surtout dans la vie: il ne faut rien de moins pou1·nous rendre aptes ài comprendre l.es vérités divines. Voilà la clef qui seule ouvre les a1·caues de Dieu. Au lieu de nous astreindre a cet effort de tous les jours pour devenir << plus pieux, c'est—àt-dire meilleurs »; au lieu de hater par nos incessants progrès dans la vie morale l’avene- ment du véritable age d’or prédit pa1· les prophètes, entrevu par les_ poètes, promis par l’Évangile, que faisons-nous aujourd’hui? — D’éternelles disputes qui n’aboutissent qu’a verse1· le sang du plus faible! Si quelqu’un dillère de nous, fût-ce sur un seul point de la religion, nous le condamnons, nous le poursuivons par toute la terre de la langue et de la plume ‘ : le fer, le feu, l`eau, · tout nous est bon pour supprimer un adversaire sans defense. Nous disons bien comme les Juifs : il ne nous est pas per- mis de_]e tuer, mais nous le livrons it Pilate. 1. « Nans le condamnons et poursuyvons par tous les anglets de la terre à-tout (avec) le dard de la langue et Style de la plume. » (Traiclé des hérétiques, p. 94.) ·