Sur les mérites de Castellion comme traducteur, M. Alexandre a tout dit. Il le juge « non seulement très instruit, mais remarquablement sagace »; il lui sait gré d`avoir 1·edressé, parfois deviné des passages corrompus, suggéré nombre de corrections judicieuses. Quant a sa versification, Castellion l’avait dit lui-mème, son ferme propos était de subordonner l’élégance ai l’exactitude, de faire au besoin de mauvais vers pour faire une bonne version. M. Alexandre lui reproche trop de précipitation, trop de dédain surtout pour les exigences de l’oreille.
Ajoutons que notre auteur avait mis dans sa préface de 1545 une discussion intéressante des arguments pour et contre l`authenticité des livres sibyllins. Nous ne l’y suivrons pas, bien entendu. Nous ne le défendrons même pas d`avoir partagé l’erreur de tous ses contemporains, qui a été celle de tous les siècles presque jusqu’au notre. M. Alexandre a démontré avec quelle incroyable crédulité, non pas seulement Lactance et Justin, mais, chose plus extraordinaire, Clément d’Alexandrie, le plus érudit des chrétiens de son temps, admet comme d’une antiquité vénérable des vers qui n’avaient pas un siècle de date. Après cela, comment 1·eprocl1er a tout le moyen age d'avoir cru au fameux acrostiche du nom de Jésus Christ ’, ou à Castellion d’avoir supposé que Cicéron lui-même y avait fait allusion dans le passage ou il parle d’un acrostiche ai propos des livres sibyllins “? 4
Signalons seulement, en terminant, la hardiesse et la candeur tout ensemble du passage de cette préface ou il donne son critérium pour l’authenticité des écrits sacrés : c’est la valeur interne du document, l’excellence de sa doctrine. ll applique aux textes ce que Moïse avait dit, paraît-il, des hommes : qu’il ne suflit pas pour reconnaître leur inspiration de constater des signes extérieurs; il faut qu’ils enseignent la vérité et que notre conscience leur en rende témoignage. Une pareille doctrine ouvre la porte a bien des nouveautés. Nous verrons plus tard ou elle mènera Castellion.
1. Édition de 1841. Novi ediIm·i.z adnzonilio, p. Gi.
9. Custéllion l’a reproduit en latin, p. QS de Védition de 1566, P. 2’JS de celle de 1555. ll , en donne aussi p. 290 une autre trxuluctîrm faite par Jean Lung.
2, De amnnmmc, mi. u, urne.