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PROTECTION DE BONIFACE AMEIIBACH. 255 C’est la même impression quéveillent les deux grands artistes : Holbein fait con1p1·endre Erasme; on sent mieux ce qui lui a inspiré une si vive affection, quand on étudie de pres cette fraîche et jeune physionomie qui n`a 1·ien d’alle- maud, qu’on dirait plutôt vénitienne, tant elle est fine, mais qui exprime un mélange de suavité et d’élégance, de droi- ture et de distinction, de modestie et d’énergie rare a toutes les époques, plus rare a celle-là. Un commerce de plusieurs · années ne changea rien aux sentiments d`Érasme. En vain, Boniface Amerbach prit ouvertement le parti de la Réforme et devint une de ses lumieres 1 Érasme ne l`en fit pas moins son legataire universel, sur que nul ne saurait comme Amer- · bach respecter ses intentions et ses réserves, observer la- mesure et marquer toujours la nuance de l'0pinion qui lui était parfois plus chere que l’opinion elle-meme, protéger enfin sa mémoire ‘ contre les ennemis qui tattaqueraient,. cont1·e les amis qui la patronneraient trop chaudement. Un autre grand et llOl1 moins touchant exemple de ce genre de sympathie qu’inspirait Amerbach, c'est sa `liaison avec Sadolet, qu’il avait beaucoup vu au palais épiscopal de Car- _pentras pendant son séjour a Avignon. Celui-la aussi avait été gagné par cette beaute de caractere et cette élévation · d`esprit. Devenu cardinal, il n’envoyait pas un messager en; Allemagne sans le faire passer par Bale avec une lettre pour Boniface ’. Et a ceux qui croient que l’étroitesse ou le fana- tisme était une nécessité du temps, ·il faudrait faire lire quelques-unes des lettres qu’un cardinal pouvait écrire a un hérétique célèbre et que son neveu, éveque aussi, n’hésitait- pas a publier a Lyon en 1550. ‘ Il faut convenir d’ailleurs — et c’est la l’admirable origi- nalité d’Amerbacl1 — qu'il entretenait dans tous les pays et avec des hommes de toute opinion des relations qui nous 1. On en peut voir un exemple dans le précis et rude démenti qn`udreSse par écrit Boniface Amerbach aux propos injurieux pour ln mémoire d'Erasme tenus par Farel et Bèze à l'tiotel du Sauvage, lors de l'ineident de 1557 rappelé dans une des notes précédentes (p. 253, n. 3). 2. Boniface, écrivant h son (ils ii Bologne, 14 jnnvier 1556, et lui parlant des recomman- dations dont il avait besoin, par exemple pour voir Rome, lui disait : « Utinam vero D. Jn- . cohus Sndoletus cardinalis viveret, qui illic agens, te pro singuluri sun erga me benevolentia humanissime complectereturi » Et it lui conseille de chercher à voir l‘évèque Paul Sndolet, te neveu du cardinal. ·