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paix, gardant pour lui les insignes de la papauté sauf l’anneau, pour ses adhérents la reconnaissance officielle de leurs titres, pour ses tentatives de réforme au moins un semblant de confirmation, et rentrant à Genève légat de Rome, le second personnage de l’Église, si ce n’est le premier en fait, de ce côté des Alpes.

Si épaisses que fussent les ténèbres au XVe siècle, de tels exemples vus de si près devaient jeter quelque lueur dans les esprits : cette popularité légendaire d’un antipape, d’une sorte de pape national, jointe à la popularité du concile lui-même « où de hauts prélats, enfants de la Bresse, avaient tenu le premier rang[1] », c’était plus qu’il ne fallait sans doute pour préparer les esprits à prévoir, mieux qu’ailleurs, la possibilité de bien des changements dans le régime ecclésiastique.

La politique de la maison de Savoie, du moins au début du siècle, était loin de décourager les espérances, surtout dans cette petite province. C’était le moment où la ville de Bourg devenait presque une capitale et possédait une cour brillante. Le jeune duc Philibert le Beau s’y était établi en 1502 avec sa femme, la célèbre Marguerite d’Autriche, un des esprits les plus vifs et les plus solides du siècle.

Il est difficile de dire quel tour eussent pris les événements sans l’accident qui enleva prématurément Philibert, en 1504, et qui changea brusquement les destinées de la Savoie et de ses dépendances. Bien que la Bresse formât le douaire de la jeune veuve, Marguerite quitta presque immédiatement Bourg pour aller administrer les Pays-Bas, où son père Maximilien l’envoyait, ne pouvant, dit un historien, faire choix d’un gouverneur ni plus actif ni plus habile.

Mais, à Malines comme à Bourg, elle fit preuve en plus d’une circonstance de dispositions non équivoques à encourager les idées de réforme dans l’Église. L’évêché de Bourg, un nouvel évêché indépendant de la France et qui ne devait durer que quelques années[2], avait été confié par elle à Jean de Gorrevod (1506-1516), ecclésiastique connu comme

  1. Brossard, la Grande Transaction entre les bourgeois de Bourg et leur curé, Bourg, in-8, 1874.
  2. Une bulle de Paul III le supprima le 15 janvier 1534.