246 SEBASTIEN CASTELLION. ' IV , Malheureusement, ce qui pour d'autres n’avait été qu'une épreuve passagère allait être le sort de Castellion pendant une longue période. Il vivra jusque vers 1553 dans la condition la plus chétive, presque dans la détresse. Nous allons essayer de retracer le peu que nous savons de ces années de souffrance, mais commençons par en révéler le secret : il est et l’honneur du pauvre prote, et à l’excuse de ses contemporains. Avec son savoir, son courage et sa merveilleuse faculté de travail, un homme comme lui ne devait pas rester sans res- source a Bale. Mais à peine arrivé, avant d’avoir même assuré le pain quotidien, il a entrepris avec le noble aveuglement d'un croyant et il va poursuiv1·e avec une inconcevable téna- cité uneœuvre qui demanderait toute une vie et à laquelle il ne peut donner que les heures prises sur son repos. Nous l’avions déjà vu a Geneve ébauchant un projet de version — francaise du Nouveau Testament. Qu’eùt dit Calvin s’il avait su que le malheureux jeune homme, apres avoir réussi il apprendre llhébreu on ne sait comment, s’attaquait à la Bible entiere l Il tentait —— ô présomption I ———de refaire pour la France ce qu’avait faitLuther pour l’AlIemagne, et plus encore, car il avait conçu le projet de deux traductions com plètes de la Bible, l'une en latin, l'autre en français! Dans quel esprit, avec _ quelles espérances, en vue de quelle propagande, c’est ce que nous aurons a étudier plus loin. Ici, bornons-nous a constater cet acte de témérité, pour ne pas dire de folie, comme la cause profonde de la longue et douloureuse crise qu’il va traverser. Il ne s’en estjamais plaint, jamais glorifié non plus. Dix années durant, il subordonue, il sacrifie tout a cette chère et pieuse occupation. Mais sa famille était la, qu’il fallait nourrir. Voici comment il y parvint. _ _ D’abord il avait sa besogne quotidiennede l`imprimerie 1 nous avons déjà dit ce qu`en devait ètre la rémunération. Dès son arrivée, il essaye d’y joindre le produit de quelques tra- vaux personnels qu’il avait en portefeuille et qti’()porin lui fit
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