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et quelques débris de ses partisans les Ensabotés, avaient sans doute retrouvé dans les montagnes du Bugey, comme le fait est établi pour celles du Dauphiné[1], quelques fugitifs albigeois accueillis par les châtelains montagnards en guerre avec les moines.

L’abbé Fleury constate dans son Histoire ecclésiastique que « les Vaudois étaient très nombreux au Bugey, qu’ils y formaient des groupes de colons ou d’artisans industrieux de mœurs paisibles et que les nobles les protégeaient contre l’Inquisition ».

Nous en avons précisément un exemple qui se rapporte au bourg même de Saint-Martin : un document authentique nous apprend qu’en 1297 le prieur de Nantua, Guy de Coligny, est informé par son frère, inquisiteur de l’archevêque diocésain, qu’on vient de découvrir des hérétiques à Saint-Martin-du-Fresne. « On les conduisait en prison quand la population, prenant parti pour eux, les fit évader. Le prieur confisque les biens des rebelles. L’inquisiteur les excommunie. Pour réponse, ils courent aux armes. Le prieur marche sur Saint-Martin, mais, le trouvant en bon état de défense, il croit devoir se retirer[2]. »

L’historien de la Bresse, M. Jarrin, en racontant cet épisode, se demande si l’hérésie vaudoise n’avait pas couvé là, transmise sourdement d’une génération à l’autre; et, remarquant que dans ce même village devait naître l’un des premiers apôtres de la tolérance, celui-là même qui est l’objet de cette étude : « il y a, dit-il, des germes qui ne meurent pas ». On sera surtout frappé de ce trait particulier de l’histoire du Bugey, si du nom de Chatillon l’on rapproche, comme le fait avec raison M. Chevrier, ceux de trois autres personnages du même temps, originaires de ce même petit pays et qui, dans des destinées très diverses, ont eu ce commun caractère d’étonner leurs contemporains par leur esprit de largeur et d’humanité : Berthelier, l’un des héros de l’indépendance de Genève; Bonivard, le prisonnier de Chillon, et l’amiral Coligny.

  1. Jarrin, ibid., p. 278.
  2. Ibid., p. 276-277.