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iuirrutm Avize cixnvm. 207 intime minorité, malgré les grands et les docteurs? Qu’in1- porte si l’on est seul? Dieu se révèle aux plus humbles et par les plus humbles; l’histoire sainte nous a nourris dans ce paradoxe fortiliant et parfois troublant. Un catholique se sent au moins ridicule s’il entreprend d’en remontrer ài son curé. Se leve1· au contraire pour proposer au pasteur une nouvelle étude sous l`inspiration de l’Esprit saint, ce n’est commettre ni une inconvenance ni une impiété, c`est faire œuvre de protestant, c`est l’esprit meme de la Réforme : la liberté de conscience et la parfaite sincérité des croyances sont ii ce ' prix. D`ordinaire, Fexpérience de la vie se charge de dissiper ces exubérances. Mais au XVIC siecle, dans le feu de la premiere. effervescence religieuse, l’équilihre ne s’est pas encore établi. Si ]’on veut qu’il y ait dans l’homme au besoin un martyr, il faut bien qu’il y ait quelquefois un illuminé. Pour protéger contre les folies du sens propre un de ces protestants du xvi° siècle, inculquez-lui le respect de la tradition, vous en faites un catholique; l`esprit critique, vous en faites u11 philo- sophe. Ce n’est ni l’un ni l’autre que formait Geneve. Un régent de college opposant son opinion it celle de Calvin sans paraitre soupçonner Pinégalité de la lutte, c’est un.trait , de mœurs que l’on ne retrouverait plus -a Geneve dix ans plus tard. Il n’y faut pas voir un excès d’orgueil. Beze lui- mème rend compte du fait en quelques mots qui ne manquent pas de justesse. Il dit de Castellion : « Eml quadam :¤mswo— çgocévvl; specie, ineplissime ambitiosus ac plane ea: eorum geneve ques Grœci lôioymuovu; appellent'. >> Ces deux mots grecs sont bien trouvés pour rendre ce mélange d’l1umilité sincere et d’étonnante confiance en son idée propre. Tel a toujours été le double aspect sous lequel apparurent au clergé catho- lique les novateurs luthériens. au clergé luthérien les calvi- nistes et en ce moment même au clergé calviniste les inde- pendants du caractere de Castellion. ` _ U 1. Beze, Vita. Calvinl (l575). — Opp. Calu., XXI.