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206 smmsriax crxsretmon. audace de tenir tete au maitre, mais cette audace est un trait caractéristique du premier age du protestantisme et elle est restée la marque meme du protestantisme. Ceux qui ont pra- tiqué les petites communautés protestantes, non seulement dans les pays ou elles se sont largement développées, mais meme on France, ont connu ce phénomène. Si petit que Soit le troupeau, il est rare qu’il ne s’y trouve pas quelque esprit indépendant qui veuille sortir du rang et qui se croie inspiré de Dieu pour prêcher la réforme, pour s’opposcr ài l`opinion de la majorité ou ai l’autorité du cle1·gé '. C`est presque une des phases nécessaires par ou passe l`esprit des jeunes gens dans ces petits cénacles ou l’esprit religieux est surchautté. Plus ils sont pieux, purs et croyants, plus il leur est facile de devenir la dupe de cette espece d’appel de la conscience, qui 11,CSt souvent qu'un élan d’imagination mal réprimé, un secret besoin d`agir, de penser, de prêcher surtout. ` Dans le catholicisme, dans toute relig·ion d`autorité, la pente mène ailleurs : les ames tendres, travaillées de besoins religieux, se donnent satisfaction par des exercices de piété i ou ttascétisme, pa1· un redoublement de zèle dans l’obéissan ce it l’Église. Le protestantisme au contraire encourage la lec- ture, la méditation, la priere individuelle. Etre seul de son avis, c`est une inquiétude pou1· l’àme catholique, c’est presque une incitation pour le protestant. Non seulement cet isole- ment ne l’efl°raie pas cz pv·i0o·2T, mais pour peu que le caractere ne soit pas mùri encore par l’expérience, qu’on ait atlaire ai u11 esprit vif et curieux, surtout s’il est dépou1·vu de conseil ou livré a des influences sectaires, notre jeune homme se fait un devoir de se mettre en avant, de s’exposer a la risée du monde : n'est-ce pas ainsi que la vérité est toujours entrée dans le monde, toujours par des inconnus, toujours par une I. A une autre époque nous retrouvons exactement cette même situation intestine rlu pro- testantisme. « La persécution était dans son plein, la tète de Paul Rabaut était mise in priez, les assemblées étaient dispersées par la force, les ûrleles étaient envoyés aux galères ou ii la mer. ll ne faut pas s'imaginer que, même en ces jours terribles, une union parfaite régmït dans l’Eglise. ll y avait aussi iles querelles, des suspicions, des envies. Paul ltabaut en souffre au dela de tonte expression. ll écrit le 26 août t7S6: « Je trouve des entraves aux desseins «· les plus utiles. Je ne vous cncherai pas que notre gouvernement presbytérien me rleplait « fort, Le plus petit ancien se croit un homme d'importance, et le moindre pasteur se targna ii cannnc le plus distingué. » (Journal du protestantisme français, article dc M. Viguîé, 30 jamel- isss.)