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168 s1·1BAs'r1EN CASTELLION. dans sa premiere partie était pour le xv1° siècle, avec beaucoup plus de grace et de piquant, ce qu’a été pour le nôtre l`Epi- tome ]l?:SZO7`2·«D sacraa de Lhomond. Le reste du volume vaut le latin du Dc viris et du Seleclze, avec l`inconvénient d’une _ plus grande monotonie de sujet, d’une plume toujours la même et de la gêne constante des hébraismes ai traduire ou et éluder. En dépit de ces causes d’infériorité, le livre tel quel soutient la comparaison avec nos meilleurs 1·ecueils modernes pour l`enseignement du latin dans les classes élémentaires. Quant ' aux livres scolaires de sou temps, il s`en distingue si pro- fondément que c’est presque une révolution pédagogique. L'absence totale de pédauterie grammaticale ou autre, la dis- parition de tout le vieil appareil scolastique, ce style d’une parfaite simplicité, ce vocabulaire et cette syntaxe sans ombre de prétention ni de bizarrerie, ce sont autant de qualités que nous remarquons a peine, tant elles nous semblent aujour- d'hui naturelles et nécessaires dans cette littérature speciale. · E11 1543, c’était une extrême hardiesse. On se représente les maîtres des colleges de Paris haussant les épaules ai la vue de ces petits livres faits pour le peuple, de cet enseignement du latin au rabais, véritable profanation de l’antique majesté des études. ' Il y a la visiblement l’esprit des novateurs de \Vittemberg, l’esprit de Camerarius, qui venait de tracer dans la belle pré- facede ses Elcmenla rhetorices (1544) le programme de ce nouvel enseignement : il faut commencer par apprendre a écrire, parce que savoir écrire, clcst savoir penser, parce que la parole est elle-même toute une philosophie, parce que ]`éloquence enfin ne vient pas de la bouche, mais du coeur. '« Nous ne voulons plus, ajoutait-il, de cette éloquence qui 11`est qu’une science des mots et qu`un vain talent de la langue : nous en voulons une autre qui vise plus et la cul- ture de l’esprit qu’a celle du langage ‘. Eloquenmt ne vient pas de loqui, mais de eloqui, mot qui suppose le choix des termes, leur appropriation précise et l’idée, par conséquent 1. Proœmium, p. 4 et 5.