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126 SEBASTIEN eASTELLIoN. belle physionomie. En dépit de sa mansuétude, Mathurin Cordier est un homme du XV1° siecle; il en a le tempéra- ment avec son mélange d’audace et de naïveté. Il est né et il a grandi dans les ténèbres du moyen age, il a l’etonnant mérite de les avoi1· dissipées en lui et autour de lui par la seule force de la reflexion. C est un des plus beaux exemples d`émancipation raisonnée, et qui suppose un esprit de forte trempe. Le caractere n’avait pas moins d’énergie, avec des formes douces et une sorte de lenteur qui était surtout la possession de soi-même. ll ne faut pas perdre de vue que, des janvier 1535, Mathurin Cordier est inscrit sur la liste des suspects de << luthérerie >> sommes d`avoir a comparaître sous la menace de peine capitale ‘; il n`avait échappe aux poursuites qu’en s’éloignant de Paris, ou il ne devait plus rentrer 2. Il _ était de ces penseurs qui avaient commencé avec Lefevre i d’Etaples, mais qui ne s’étaieut pas arrêtés avec lui : lisant mieux dans leur propre pensée, ils s’appelaient toujours des évcmgéliques, mais on les appelait lut/ié7·2`ens, et ils ne s’en défendaient plus. A Bordeaux comme a Paris, plus librement et plus hardi- ment qu’a Paris, Mathurin Cordier a sans cesse dans la bouche le mot suspect a la Sorbonne : Christ tout seul “. Ses eleves ne s`y trompentpas, et une touchante poésie de l`un d`eux nous a conservé leur impression sous une forme qui semble reproduire la simplicité pénétrante du maître ‘. A Bordeaux comme ai Paris, Cordier 11'est pas un pur 1, Clwoniquc du roy ]'lI'll11§0]/S,]1l'€7)llC)' dc cr: nom, publ. par Gi Gui11`rey, 1860, p. 131. 2. « Lutetia profugus propter Evangelion: doctrinœ professionem. n (Préface des Colloques.) Voir sur son séjour E1 Nevers, la Revue pédagogique, mai 1891. 3. La Faculté inscrit par exemple comme un des motifs de la condamnation prononcée contre Pierre Caroli (7 sept. 1525) « la coustume qu'il avoit de dire (lunxsï sans y adjouter le nom de Jésus n. - 4. J'. Vullcii Epigrammalum lib. Ill], 1537, p. 50, ad Corderium : . Te docuit Christus verumque ûdemque docere, Te docuit Christus spernere divitias, _ Te docuit Christus teneram formara juventam. Te docuit Christus moribus essc bonis, Te docuit Christus, nullu mercede parata, Viva literulas voce docere bonas, Te docuit Christus cœlum vitamque beatam A se immortali, non aliunde, dari, etc. On remarquera chez Voulté cette dernière allusion, non équivoque et tres sympathique, aux sentiments « évangéliques » de Cordier. ·