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STRASBQURG. CHEZ CALVIN. '119 je sais qu’il a le cœur extrèmement sensible. Et quant au jeune Malherbe, je ne puis y penser sans songer en même temps a ces excellents jeunes gens qui le soignent! Puis il insiste avec douleur sur ce qu’il perd pour son œuvre en perdant Claude, « ce guide sur et ce conseiller intime » dont il avait tant besoin! Mais je ne voulais que vous dire en passant mon malheur, je m’y étends outre mesure; je me laisse entraîner par la mémoire de cet homme de bien (puisse—t-elle m`etre un jour aussi douce qu’elle me sera toujours sacrée) et aussi par une pieuse inquiétude pour les autres! ` Il rend compte ensuite it Farel de toutes les négociations de la conférence de Batisbonne, cette derniere tentative d’entente pacifique entre Rome et les Évangéliques; puis recevant, pré- cisément au moment de clore, des lettres de Farel et de Viret, il ajoute un post—seriptum, ou il donne ai Farel les plus sages conseils au sujet des débats théologiques, et il termine ainsi : Vous me pardonnerez de vous écrire avec cette familiarité. Vous pouvez vous figurer ma douleur au moment où je perds un tel ami et ou je vois en danger de mort, ma femme, mou frère, Charles, qui m’est presque un second frère, et toute ma famille et ceux qui_sont accourus it notre secours. Que n’ètes-vous ici pour une heure! Je connais votre cœur: vous ne pourriez me regarder sans tristesse. Je suis jour et nuit dans la désolation et je ne puis pleurer. Mais a quoi bon vous faire porter le poids de mes douleurs? Je n’en serais pas plus soulage que si je les devo- rais en silence comme de coutume ! ! En même temps qu’il s’épancliait dans le cœur de ses amis, Calvin recueillait toutes ses forces pour écrire au malheureux pere. Cette lettre est admirable de sincérité : il est impos- sible de n’étre pas touché de cet effort pour pénétrer au cœur meme du douloureux probleme. Point de consolations banales, point de vague résignation : la question est posée sans détour et sans ménagement, et il n’y trouve, tout examen fait, qu’une réponse possible : « ll faut faire it Dieu cest lionneur de croire qu’il est plus sage que ne peut porter la petitesse de nostre entendement ». Et cette stoique sou— 1, Lettre ile Culvic Ex Farel (29 mars 1511). Mêmes expressions dans la lettre h Virct du 2 avril 1541. On verra plus loin (par les derniers cbnpitres de cette biographie) pour- quoi nous avons tenu il reproduire le recit détaillé de cet episode dont Calvin aurait du · ' toujours se souvenir, et notamment _les passages si formels de cette lettre, qui, ft plusieurs reprises, mentionne la belle conduite de ces jeunes gens, E1 la tète desquels etait Sébastien Castellion. ` ·