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d’autant plus saisissante qu’elle s’ignore quelques-unes des thèses vingt fois énoncées par Gastellion sur la véritable autorité, sur la véritable inspiration, sur la véritable foi. Et l’on ne s’étonne plus qu’à trois siècles de distance ces deux protestants se rencontrent jusque dans les mots, quand on a remarqué l’identité de leur principe fondamental : « la foi n’est pas la croyance », dit le moderne ; fides non intellectus sed volantatis est, disait son devancier du XVIe siècle ; l’un définit la foi une « énergie de l’âme », l’autre dit : « fides, christiana virtus ». Tous deux écrivent mot pour mot que « l’inspiration peut se trouver sans l'infaillibilité », tous deux affirment que « l’autorité de la Bible réside dans celle de l’esprit de Dieu, c’est-à-dire dans une autorité vivante qui opère sur les esprits, comme une puissance active, éducative qui disci pline, corrige, forme à la justice de vrais hommes, des hommes de Dieu », tous deux enfin entendent « que croire en Jésus-Christ c’est non le répéter, mais le suivre ; que son disciple est non pas celui qui sait rendre correctement ses idées, mais celui qui reproduit sa vie sur la terre ».

Et la même Faculté de théologie qui terminait l’année scolaire sur ces définitions dont la hardiesse vient de la profondeur même du sentiment religieux, rouvrait ses cours quelques semaines après par un exposé plus magistral et non moins hardi de la même doctrine. Le doyen, en signalant la thèse de M. Monod comme un signe des temps, « saluait l’aube qui blanchit au ciel de notre jeune théologie et dont la vue remplit d’allégresse les vieux combattants », et après lui le nouveau professeur de critique et d’exégèse du Nouveau Testament, dans une leçon d’ouverture dont le retentissement sera long, consacrait tous les grands principes qui caractérisent « la Réforme dans