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98 SÉBASTIEN CASTELLION. pas en erreur; l’auteur de Ylnslitution n’est pas une recrue nouvelle pour les hommes du siecle : c’est au contraire un jeune homme qui sur le point de devenir prêtre s’en est abstenu par conscience'. Polémiste intraitable, satirique sans pitié,il le sera s’il le faut, mais ce n’est pas la son vrai rôle. Il ne vient pas détruire, mais fonder. Il 11G prêche pas la rupture, mais la réforme dans l’Église et par l’Église. Il s’appuie sur ce qu’il y a de divin en elle Pour cxtirper ce qui ne l’est pas. On disait que les novateurs n’avaient pas de doctrines. _ Le voila, leur corps de doctrines, aussi fortement lié, aussi vénérable, aussi sacré que celui de l’Eglise, ca1· c’est celui-la même dont elle vit depuis des siècles. Seulement, a ce dépôt des vérités éte1·nelles, Rome a successivement ajouté des erreurs volontaires et involontaires. Ce sont ces plantes parasites où Calvin porte la hache, sans blesser l’arbre vivant qu’clles étouffaicnt et qu`il dégage. L’Instituti0in chrétienne paraît tout expres pour faire ce i "départ entre le christianisme authentique et les superféta— tions qui l’ont altéré. Comment y voir une œuvre anti-eccle- siastique? C’est plutôt l’efYort supreme de l’esprit ecclésias- tique pour reconquérir tout son empire en se débarrassant de tous ses abus. Un tel livre est également loin du pamphlet d’Ulrich de Hutten, de la satire d’Erasme, du sermon popu- laire, mystique et violent de Luther; c’est une œuvre de théologien au sens le·plus docte du mot, œuvre religieuse, sans doute, traversée d’un souffle moral qui l’éleve par moments jusqu’au pathétique, mais avant tout œuvre d’orga- nisation et de concentration, code doctrinal pour les minis? tres, arsenal des arguments pour les simples iideles : c’est la Somme du christianisme réformé. L'auteur tient bien plus at faire ressortir la force logique et la vertu morale de sa · doctrine qu'a s’appesantir sur les points faibles de la doc- trine adverse. Ce qui l’occupe, ce n’est pas le passé, c’est l`avenir, c’est l’Église a reconstituer. · Présenter ainsi la défense des « Évangéliques », ce pouvait I. Sur ces débuts du réformateur, consulter le savant travail de M. Abel Lefranc, la Jeunesse de Calvin. Paris, Fiscbbacher, in-S, 1SSS.