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AVERTISSEMENT.

À la fin de la Préface, nous avons anoncé que, si l’on nous honorait de quelque critique, ou qu’on nous demandât quelque éclaircissement, nous y satisferions à la tête du second Volume : nous venons remplir nos engagemens.

I. Plusieurs persones, qui aprouvent la nouvelle Ortographe, trouvent que nous avons été trop timides, et que cette timidité peut nous faire acuser d’être peu conséquens, et de n’avoir pas, sur cet article, des principes bien assurés. Ils auraient souhaité que nous n’en eussions pas fait à deux fois, et que nous eussions fait main-bâsse sur toutes les Lettres inutiles, et qui ne se prononcent pas. On nous propose pour modèles MM. Duclos et Beauze’e, dans quelques-uns de leurs Ouvrages, où ils ont poussé plus loin que nous les innovations. Mais, outre que le premier n’a pas réussi dans ses tentatives, et que le second paraît s’en être dégoûté, quoique nous ayions lieu de penser qu’il y a toujours un secret penchant, nous prions les persones, qui nous ont fait ce reproche, ou qui nous ont doné cet avis, de considérer qu’un changement, qui peut révolter les uns et embarrasser les autres, ne doit point se tenter, et ne peut s’opérer tout d’un coup, et qu’on doit y procéder par des essais successifs ; et peut-être séparés par de longs intervales. Il faut éviter d’éfaroucher le lecteur, et l’on doit l’acoutumer peu à peu à des innovations, qui le choquent, avant qu’il en ait compris l’utilité. Il nous a paru, par exemple, que le retranchement d’une des doubles consones devant la syllabe féminine, où l’e muet, était plus choquant quelquefois, que lorsqu’il était fait devant la syllabe masculine ; et qu’on était plus surpris de lire come, pome, some, home, avec une seule m, que de lire, comencer, pomier, sonet, homage, &c. Il nous a Semblé, en même tems, que, dans les mots où la double n est, suivant l’ancien usage, devant l’e muet, on pouvait en retrancher une avec moins d’inconvénient, que de suprimer une des deux l dans les mots terminés en elle. C’est pourquoi nous écrivons habituellement, courone, persone, consone, je done, j’abandone : et de même miène, tiène, anciène, qu’il prêne, qu’il viène, etc. en remplaçant pour ceux-ci l’n retranchée par l’accent grave sur l’e qui précède : et nous n’avons pas encore osé écrire, Bèle, immortèle, éternèle, quoique par essai nous ayions quelquefois écrit, j’apèle, il s’apèle etc. == On objecte que cette distinction, que nous faisons, a de plus grands inconvéniens qu’une supression universelle de toutes les consones inutiles ; et qu’ayant anoncé que c’était notre opinion qu’on prît la prononciation pour règle de l’ortographe, on pouvait conclure qu’on doit prononcer toutes les lettres, que nous conservons dans notre manière d’écrire. Mais d’abord, quand nous avons avancé ce principe, nous avons ajouté que cette réforme était impraticable dans sa totalité, et que nous ne visions qu’à diminuer les embarras de notre ortographe ; et non à les retrancher entièrement. Ensuite, si ces Critiques honêtes veulent bien y réfléchir,


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