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arrêts. « = » Dans tous nos mots, l’e initial ou final, non muet, est fermé, et toujours bref.

II. L’E se prononce de plusieurs aûtres manières, comme quand il est suivi d’une n et d’un t, où il prend ordinairement le son de l’a : sentiment (sentiman). Mais si l’n n’est point suivie d’un t, l’e conserve son propre son : citoyen, moyen, etc. « = » Il a aussi le son d’an, quand il est joint à une m, et suivi d’un b, d’un p, ou d’une aûtre m : embaumer, empire, emmener ; pron. anbomé, anpire, anmené. Dans les troisièmes persones du pluriel des verbes, l’e, suivi d’une n et d’un t, a le son de l’e muet, et l’n ni le t ne se prononcent pas devant une consone : devant une voyelle, on ne prononce que le t : Voy. En et Ent. Quand l’e est joint à d’aûtres voyelles, pour former une diphtongue, alors, ou il est muet, en ce sens, qu’il ne se fait nullement sentir, ou il prend un son étranger à sa prononciation. « = » Nous mettons ces diphtongues à leur place, dans l’Ordre Alphabétique.

EA, Eai, Eau : diphtongues, où l’e est entièrement muet : il n’y est mis que pour adoucir le son du g, après lequel ces diphtongues se troûvent : " Il mangea, je mangeai, engageant : si l’e ne s’y trouvait pas, on prononcerait, manga, mangai, engagan : par le secours de l’e, on prononce manja, manjé, angajan.

EAU, diphtongue, qui a le son d’un o plus ou moins ouvert : " chapeau, oiseau : pron. chapo, oazo. —— Dans fléau, l’e se détache de l’o (flé-o). Quelques-uns en font autant, mais mal, pour le mot Eau. Voy. ce mot. Les mots terminés en eau, au singulier, ajoutent un x au pluriel : bateau, oiseau : bateaux, oiseaux.

EAU, s. f. [O, dout. Au pluriel, eaux : pron. ô long.] Dans les composés, on met un tiret entre eau et les aûtres mots. Eau-de-vie, eau-forte.

1°. Eau est un des quatre élémens : élément froid et liquide. Eau naturelle. Eau de source, de fontaine, de puits, etc. L’eau de la mer. Puiser, tirer, boire de l’eau. 2°. Il se prend plus particulièrement pour la pluie. « Il est tombé bien de l’eau : » Le temps est à l’eau. 3°. Mer, rivière, lac, étang. " Au bord de l’eau. Se jeter à l’eau. Pâsser l’eau ; aler par eau. 4°. Eaux minérales:


Aler aux eaux; prendre les eaux. 5° Humeur, sérosité. « Les eaux qui tombent, qui distilent du cerveau. » Ce cheval a des eaux aux jambes. 6°. Sueur. « J’étois tout en eau. » L’eau lui découloit du visage. 7°. En style populaire, urine. " Faire de l’eau. Retenir, ou lâcher, ou laisser aler son eau. 8°. Liqueur artificielle. « Eau-de-vie. » Eau rôse, de plantain, de chicorée, de cerises, de groseilles. Eau de senteur. 9°. Lustre, brillant qu’ont les perles, les diamans : " Ces perles sont d’une belle eau, ces diamans de la première eau. —— En l’eau. Voy. En.

Eau entre dans plusieurs expressions du style familier et proverbial. —— Batre l’eau avec un bâton, faire une chôse inutile. On dit, dans le même sens, doner un coup d’épée dans l’eau. —— Tenir le bec dans l’eau à quelqu’un, le tenir dans l’incertitude, en diférant de se déterminer. —— Faire venir l’eau à la bouche : doner envie d’en tâter. Salivam movere. —— Suer sang et eau, faire de grands éforts pour venir à bout de quelque chôse. —— Faire venir l’eau au moulin, s’atirer des présens. —— Nager en grande eau, avoir le vent en poupe, réussir dans ses projets, être dans les grands moyens, dans les grandes ocasions de faire fortune. —— Revenir sur l’eau, rétablir ses afaires. —— Laisser courir l’eau, (il y en a qui ajoutent, sous le pont) ne se point mettre en peine du train que prènent les afaires. —— Rompre l’eau à quelqu’un, lui suscister des obstacles, des traverses. —— Nager entre deux eaux, se ménager entre deux partis. —— Pêcher en eau trouble, profiter, pour ses afaires, des malheurs publics et particuliers, les faire nâître à ce dessein. —— Porter de l’eau à la mer, doner à des gens qui en ont déjà trop. —— Faire de l’eau toute claire, manquer son coup, échouer. —— Se mettre dans l’eau de peur de la pluie, s’exposer à de grands inconvéniens, pour en éviter de petits. " Je me troûve mieux dans ces bois, que toute seule dans une chambre : c’est ce qui s’apèle se mettre dans l’eau de peur de la pluie : mais je m’acomode mieux de cette grande tristesse, que de l’ennui d’un fauteuil. Sév.

On dit, d’un homme qui est doux et tranquille, ou niais et innocent, qu’il ne sait pas troubler l’eau ; (l’Acad. dit, ne sait pas l’eau troubler). « Cette persone si fière, ce pauvre innocent, qui ne savoit