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taient à ces e moyens l’acc. aigu : reméde, collége, zéle : aûtre inconvénient, qui donait lieu à une prononciation presque aussi vicieûse. Aujourd’hui on emploie l’accent grâve pour l’è moyen, et le circonflexe pour l’ê ouvert : crème, même, etc. etc. —— * L’Académie convient qu’on distingue deux e ouverts, l’e grâve, tel qu’il est dans succès, et l’e aigu, tel qu’il est dans la seconde syllabe de trompette. Ce langage parait contradictoire ; car le mot aigu semble anoncer un é fermé : comment est-il donc une espéce d’e ouvert ? La pratique de l’Acad. dans son Dictionaire, n’est pas plus conséquente, puisque dans les e qui ne sont pas suivis de deux consones, et qui sont pourtant devant l’e muet, elle met tantôt l’accent grâve, comme dans brèche, tantôt l’accent aigu, comme dans collége, et une foule d’aûtres, quoique ces deux e soient de même natûre. Cette variété fait croire que tous les articles des anciènes éditions n’ont pas été revus avec soin et réformés dans la nouvelle.

Les monosyllabes, les, des, mes, tes, ses, ont l’e fort ouvert. Plusieurs le prononcent comme muet, devant une voyelle ou une h muette, les animaux, les hommes : (le-zanimô, le-zome) il faut prononcer, lè-zanimô, lè-zome.

Le siège de l’e tout-à-fait ouvert, ne peut jamais être que dans la dernière syllabe masculine : procès, succès, être, tête. Que si cette syllabe vient, dans les dérivés, à être suivie d’une aûtre, qui soit aussi masculine, alors l’e devient, ou tout-à-fait fermé, comme dans procéder, succéder, il était (exceptez têtu) ; ou il devient moyen, et ne s’ouvre que faiblement, comme dans procession, succession, qu’on prononce succè-cion, procè-cion.

2°. L’e muet n’a point d’accent. Il est apelé muet, parce qu’on ne le prononce presque pas, et e féminin, parce que les syllabes qu’il termine, sont apelées syllabes féminines, ou rimes féminines, comme les syllabes où entre un e ouvert ou un é fermé, sont apelées syllabes masculines, ou rimes masculines. L’e muet ne commence jamais un mot sans être précédé de quelque consone, et il ne se troûve jamais en deux Syllabes consécutives ; ou, s’il s’y trouve, ce n’est jamais à la fin du mot. C’est pour cela que les verbes dont la pénultième est


muette à l’infinitif, comme apeler, jeter, peser, mener, prènent l’è moyen dans les temps qui finissent par un e muet : je mène, je pèse, je jète ou je jette, j’apèle ou j’apelle, ce qui s’étend aux futur et conditionel de ces verbes, j’apellerai, je mènerais, je jetterai, je pèserais, etc. —— On dit aussi chapelain et chapelle, chandelier et chandelle, celui et celle, etc. —— Par la même raison, quoiqu’on dise j’aime, je chante, nous disons aimé-je, chanté-je, et non pas aime-je, chante-je.

Les Anglais et les Allemans ont des e muets : l’e de love en est un exemple pour les premiers, et le second e de meine pour les aûtres. Les Italiens et les Espagnols n’ont point d’e muet. Buf.

  • Dans les Provinces méridionales, on done souvent à l’e final le son d’o ou d’ou : on y prononce gloa-ro, ou gloa-rou, pour gloire. Et pour les monosyllabes le, de, me, te, se, ce, que, et les particules re ou de, qui entrent dans la composition de beaucoup de mots, comme recevoir, demander, etc. on prononce un é fermé : lé, de, mé, té, sé, cé, qué, ré, dé, etc. Ce sont des gasconismes, et des plus choquans, auxquels les habitans de ces Provinces doivent faire atention.

Ces e muets sont le désespoir des Musiciens, sur-tout dans les finales : la plupart les prononcent en eu : la gloireu, la tempeteu, etc. L’e muet ne se prononce point à la fin des mots, quand le mot suivant comence par une voyelle : une âme forte ; pron. u-nâme forte.

3°. L’é fermé, ainsi apelé, parce qu’on serre les lèvres en le prononçant, se marque par l’accent aigu, comme le dernier de fermeté. Dans certains temps des verbes, l’é fermé est suivi d’un z : " Vous donnez, vous feriez, vous diriez, etc. Ce z tient lieu de l’accent et de l’s:pron. doné, ferié, dirié. Dans la conjonction Et, l’e se prononcé fermé, et non pas ouvert, comme font les Gascons, é, et non pas è.

On troûve un correspondant à l’é fermé chez les Allemans, dans ehr ; chez les Anglais, dans equity ; chez les Italiens, dans ardore; chez les Espagnols, dans emanar.

II. Aucun de nos mots, à l’exception d’Être, ne comence par un E tout-à-fait ouvert:aucun n’est terminé ainsi; et l’e ouvert, à la fin des mots, est toujours suivi d’une ou de deux consones : procès, désert,