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x AVERTISSEMENT.

7°. Sur le mot Aboutir, M. D. dit que l'r n'est pas nul ; que cette consone ne se fait pas sentir dans les infinitifs en er, qui ne sont pas suivis d'une voyèle, mais qu'il se prononce dans tous les mots en ir. -- Tout le monde ne convient pas de cet usage : on le verra sous la lettre R au troisième volume : = Aboutir, ajoutons-nous, n'est actif qu'avec faire. C'est, dit le Journaliste, n'avoir pas une idée juste de cette sorte de verbe. Là-dessus un grand lieu comun de Métaphysique gramaticale, dans lequel nous ne suivrons pas M. D. parce que cela nous mènerait trop loin. Nous nous contenterons de dire que nous n'avons parlé, dans cette ocasion, que suivant le langage gramatical, qui apèle actifs tous les verbes qui ont le régime simple (qui régissent l'acusatif), et que nous n'avons pas voulu dire autre chôse sinon qu'Aboutir n'a ce régime simple que quand il est joint au verbe faire. = Mais il ne faut pas omettre de relever une proposition de M. D. qui prétend qu'il n'y a d'actifs que les verbes qui peuvent se tourner en passifs. Il se trompe : chercher est actif ; l'on dit : on me cherche ; mais l'usage ne permet pas de le tourner en passif, et de dire : je suis cherché : Obéir, au contraire, n'est pas actif ; on dit pourtant, vous serez obéï.

8°. Au mot Absolument, nous donons, pour exemple, qu'impatient se dit absolument et sans régime. M. D est d'un avis contraire : il assûre qu'impatient du joug, du frein sont des expressions énergiques et précises, que tous les Ecrivains emploient avec succês ; et il n'en cite aucun. Pour ne pas répéter inutilement, nous renvoyons au mot Impatient, qui est dans ce 2d Volume.

9°. Le Journaliste n'est pas non plus de notre avis sur le Néologisme, que nous reprochons, dit-il, à M. Linguet dans cette expression, justice absorbante. Selon M. D. employer une métaphôre, ce n'est pas parler un langage nouveau ; c'est parler comme tout le monde parle dans toutes les langues. Mais, depuis quand est-il permis, dans toutes les langues, d'employer tous les termes en métaphôre ? N'y en a-t'-il pas que l'usage a consacrés ; et d'autres que le génie d'une langue réprouve ? Notre Langue, en particulier, n'est-elle pas, sur ce point, plus délicate et plus réservée qu'aucune langue anciène ou moderne ? De tout tems, et dans toutes les langues, les Critiques et les Gens de goût ne se sont-ils pas élévés contre l'abus des métaphôres ? Et n'a-t'-on pas aujourd'hui, plus que jamais, sujèt de remarquer les progrês de cet abus ? Une expression métaphorique ne peut-elle pas être apelée une expression nouvelle, quand elle parait pour la première fois, et que persone n'avait encôre ôsé s'en servir ? Observer que c'est un néologisme, ce n'est pas faire un reproche à l'Auteur ; c'est avertir le Lecteur, que l'usage ne l'a pas encôre adoptée.

10°. M. D. pense qu'absurde se dit des persones, comme des chôses, et que ce mot, apliqué aux persones, ne doit pas blesser le goût le plus délicat. La raison qu'il en done, c'est qu'une opinion absurde est contraire au sens comun ; et que l'homme, qui agit contre le sens comun, est un homme absurde. Si telle est la logique du Journaliste, elle est d'une espèce toute particulière. De la définition d'un mot, il conclut à son usage et à l'étendûe de son emploi. Cette conclusion n'est pas fort juste. De ce qu'absurde signifie qui est contraire au sens comun, on peut conclûre qu'un homme, qui agit contre le sens comun, tient une conduite absurde ; mais on ne peut pas conclûre qu'on puisse dire qu'il est absurde, si l'usage ne le permet. Or, pour prouver qu'il le permet, il falait citer d'autres exemples que celui de Voltaire, que j'avais critiqué, et que M. D. aprouve.

11°. M. D. nous reproche de confondre le verbe réciproque avec le verbe réfléchi.