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AVERTISSEMENT. ix

Les dangereux éfets de la divi-si-on…
Tout plaît dans lui, son air, sa conversa-ti-on.

Mais ce n’est pas à dire que cette syllabe soit constament et incontestablement longue, même en prôse : et qu’elle soit ouverte, quand c’est un a ou un o. = En troisième lieu, le mot atention, que M. D. cite en exemple, ne prouve rien pour sa règle incontestable ; car, outre que l’n dans en, n’est pas une consone, mais que l’e et l’n ne forment qu’un seul son, qu’on apèle voyèle nasale, c’est le propre de ces voyèles d’être longues, devant quelque consone que ce soit : puissance, prétendre, peindre, conter, etc. = Enfin, la remarque qui termine sa décision, est en raison inverse ; car il serait moins étonant qu’une voyèle, soutenue d’une consone, fût longue devant tion, qu’une voyèle simple et sans apui.

5°. Venons-en aux remarques particulières et locales. = Sur la lettre A, M. D. décide que ay, dans paysan, est un dissyllabe, comme dans pays, paysage, paysagiste. Il fortifie sa décision par un exemple de La Fontaine, et par une raison d’analogie. Mais l’exemple ne prouve rien, et la raison ne prouve pas davantage.

Un Paysan ofensa son Seigneur,

a dit l’inimitable Fabuliste, et il a pu le dire : mais, qui ne sait que beaucoup de diphtongues, qui ne sont que monosyllabes en prôse, sont dissyllabes en vers. La raison d’analogie, c’est que tous ces mots sont dérivés de pays, et ont (par conséquent) la prononciation de leur primitif. La conséquence n’est pas fort juste ; et combien d’exemples du contraire ne pourrait on pas citer ? Je n’en aporterai que deux ou trois. Dans Diacre et Diable, ia est monosyllabe : dans Diaconat, Diaconesse, diabolique, il est dissyllabe, au moins dans le discours soutenu : ie est dissyllabe dans minucie ; et il est monosyllabe dans minucieux, du moins dans le discours familier. L’usage, pour la prononciation, consulte moins l’analogie que l’oreille. Ay, monosyllabe, la choquerait dans pays ; et ne la choque pas dans paysan.

6°. Au mot Abandon, nous remarquons qu’avec le sens actif et le régime, ce mot n’est usité qu’au Palais. Sur quoi M. D. observe que l’Auteur permet aux Avocats une expression qu’il défend à ceux qui exercent une aûtre profession. Il demande si les solécismes sont du domaine des Avocats ; et il finit par dire que mal à-propos nous concluons du fait au droit. = D’abord nous ne permettons, nous ne défendons rien ; c’est à l’usage seul à permettre ou à défendre : or, l’usage est tel par raport à ce mot. —— En second lieu, les solécismes ne sont pas du domaine des Avocats ; mais ce qui serait un solécisme dans un aûtre Auteur, peut n’en être pas un dans un Avocat, dans un Praticien ; parce que l’usage l’autorise dans celui ci, et le condamne dans l’aútre. Qui ne sait que la langue du Barreau est toute diférente du langage ordinaire ? On verra au mot Palais, dans le 3°. Volume, quelle est ma façon de penser là-dessus : ici, je n’aprouve, ni ne condamne. Je dis le fait, et je ne parle pas du droit. Mais, quand je conclurais du fait au droit, la conclusion serait légitime en fait de langage : car le fait, c’est l’usage ; le droit, ce sont les règles de la Gramaire : or, quand l’usage est constant, il est la véritable règle.