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bref. On marque ordinairement l’a long d’un accent circonflexe, â : il serait à souhaiter qu’on le fît toujours. Voyez Accent. —— L’a, même avec l’accent grave, à, est bref.

1°. Quand a se prend pour la premiere lettre de l’Alphabet, il est long : un petit a. Quand il est préposition, ou 3e. persone du verbe avoir ; à, il a, il est bref.

2°. Au commencement des mots, l’a est long dans âcre, âge, âgnus, âme, âne, ânus, âpre, et leurs dérivés.

3°. Hors de là il est toujours bref et fermé, soit que tout seul il compose la syllabe, comme dans Apôtre, soit qu’il soit suivi d’une consone redoublée, comme dans apprendre ; soit que les consones soient différentes, comme dans altéré.

4°. A la fin du mot, a est fermé et très-bref dans les prétérits et les futurs ; il aima, il aimera ; dans l’article la ; dans les pronoms ma, ta, sa ; dans les adverbes çà, là, déjà, oui-dà ; et dans quelques mots du langage familier, dada, falbala, papa, etc.

5°. A est un peu plus ouvert et un peu moins bref dans la plupart de nos aûtres substantifs, empruntés des langues étrangères : sofa, opéra, agenda.

III. Régime. A, devant les noms propres, et ceux qui s’emploient sans article, (soit qu’on l’appelle article indéfini ou préposition) s’emploie au singulier et au pluriel, et devant les noms masculins, et devant les noms féminins : à Pierre, à mon frère, à elle, à lui, à eux, à elles ; j’ai cette affaire à cœur, matière à disputer. —— Il se joint le plus souvent à l’article, pour être le signe du datif ; mais seulement au féminin du singulier : à la gloire de Dieu.

Il se joint souvent aux verbes infinitifs, régi par des noms adjectifs ou substantifs, ou par d’autres verbes : beau à voir, maître à danser, doner à boire. —— Quelquefois il tient lieu du gérondif : rarement à courir le monde, on devient plus homme de bien ; à courir, c. à. d. en courant.

IV. A est quelquefois prép. et adv. de lieu : à la ville, à Paris, à Rome. Il tient la place d’après ; poil à poil, c. à. d. poil après poil ; d’avec, peindre à l’huile, pour, avec de l’huile ; de pour, bois à brûler, pour brûler ; d’environ, cinq à six pieds, pour, environ cinq ou six pieds, etc.


La mort n’est point un mal à qui ne la craint pas.



P. Marion. Cromwel.

Rem. Dans toutes ces occasions et aûtres semblables, on met un accent grave sur l’a, (à) pour le distinguer d’a, il a, 3e. pers. du sing. du prés. du v. Avoir, qui doit s’écrire sans accent.

V. Divers emplois. On peut dire, d’après M. l’Abé Regnier des Marais, que pour marquer tous les usages de la prép. à, il faudrait faire passer en revûë presque tous les mots Français, n’y en ayant guère avec lesquels elle ne serve à former quelque phrâse, par la propriété qu’elle a de pouvoir être substituée à la plupart des prépositions. En voici quelques exemples, tirés de la Grammaire de l’Abbé Girard, trop négligée, peut-être parce qu’elle est trop savante, pleine d’une métaphysique trop subtile et trop abstraite ; et sur-tout parce qu’elle est remplie de termes inusités, substitués aux termes employés par tous les autres Grammairiens ; ce qui rend pénible et rebutante au commun des Lecteurs, la lecture de cet excellent ouvrage.

A indique la spécification par 25 différens moyens.

1°. Par la forme de la structûre. : lit à colonnes ; table à pieds de biche ; couteau à deux tranchans, etc.

2°. Par la qualité : or à 22 carats ; mot à double sens ; fidélité à toute épreuve, etc.

3°. Par la marque distinctive de la dignité et de l’état : Président à Mortier ; gens à longue robe, etc.

4°. Par la Propriété productive. Pays à paturages ; côteau à vignoble ; pierre à feu, etc.

5°. Par l’objet du service : cuiller à café ; bassin à barbe ; table à jouer ; pierre à aiguiser, etc.

6°. Par la cause mouvante : arme à feu ; moulin à bras ; machine à ressort ; fusil à vent, etc.

7°. Par l’acompagnement : canne à lorgnette ; table à tiroirs ; habits à paremens d’or, etc.

8°. Par le prix : place à six francs ; journée à trois francs ; étofe à dix écus l’aune ; vin à dix sols le pot, etc.

9°. Par la capacité : voiture à huit places ; chaise à deux ; table à vingt couverts ; cafétière à dix tasses, etc.

10°. Par la situation : porte à droite ; route à gauche ; château à mi-côte ; vis-à-vis, etc.

11°. Par l’attitude ; figure à genou ; prière à mains jointes ; couché à la renverse, etc.

12°. Par le sort que la chose doit avoir, ou