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PRÉFACE. xv


de l’Ortographe, n°. I. et de vouloir bien observer, que je conserve l’anciène manière d’écrire, dans l’ordre alphabétique ; et qu’ainsi l’on peut dire que, à proprement parler, il n’y a pas d’innovations dans le Dictionaire, quoiqu’on puisse acuser l’Auteur d’avoir le projet d’en introduire quelques unes, qu’il croit utiles, pour des raisons, qui lui paraissent fort bones, et dont il a rendu compte ; c’est ce que je ne saurais trop répéter.

3°. Un Homme de Lettres, qui m’a fait la grâce de me comuniquer ses réflexions, me reproche un étalage d’érudition déplacée ; parceque, en relevant quelques Anglicismes, j’ai cité le mot Anglais, qui avait induit en erreur ; et parceque, à la tête des Lettres, dans la suite alphabétique, j’ai mis les sons, qui y correspondent dans les principales Langues de l’Europe. Assurément j’aurais bien grand tort d’avoir mis à cela de la gloriole ; et je ne m’atendais pas à ce reproche. La première érudition, comme le Critique l’apelle, m’a paru toute naturelle, et je l’ai employée tout bonement et sans prétention. La seconde, je l’ai tirée avec la même simplicité, de la Gramaire du P. Bufier, et je ne croyais pas qu’elle dût jamais m’atirer ni louange, ni blâme. Le Censeur m’assûre que les Gens de goût sont très dificiles sur ces sortes d’éruditions. Il me permettra d’en douter ; et j’ai peine à croire qu’il ait recueuilli là-dessus un grand nombre de sufrages. Tout ce qui peut arriver, et ce qui arrivera probablement, c’est qu’ils n’y prendront pas garde et ne les honoreront pas de leur atention.

4°. Enfin, quelques-uns ont censuré le titre du Dictionaire. Ils nous ont demandé si nous prétendions critiquer la Langue Française ; et ce que nous voulions dire. Mais par leur censûre, ils donent lieu à deux Observations. === Dabord, ils font mal-à-propôs raporter le régime de la préposition de à l’Adjectif critique, au lieu de le faire raporter à Dictionaire. J’aurais pu mettre, Dictionaire de la Langue Française, critique et gramatical ; et j’aurais ôté par-là tout prétexte à la chicanerie ; mais je crois que, dans les intitulations, on doit dabord mettre le mot, qui caractèrise un Ouvrage et le distingue d’un aûtre. === Ensuite, les Censeurs se sont mépris sur la signification de l’Adjectif critique. Il ne supôse pas toujours la censûre : il anonce souvent l’éloge. Et certainement les Observations critiques des Comentateurs enthousiastes des Auteurs anciens n’étaient rien moins que des censûres. Critique, joint avec Remarque, avec Dissertation, Histoire, Dictionaire, etc ne signifie donc que des Observations, que l’Auteur anonce sur la matière qu’il traite. Si l’on composait une Histoire critique de la Médecine, de la Philosophie, persone ne s’aviserait de penser que c’est la Philosophie ou la Médecine, qu’on voudrait critiquer. === Un plaisant, bon ou mauvais (on en jugera) a ataqué le titre d’une aûtre manière. Il prétend qu’on a oublié de mettre un accent sur l’e de critique, et qu’il faut lire, Dictionaire Critiqué. Quoiqu’il en soit de la finesse de cette plaisanterie, que l’Auteur a faite sans malice, et dont il n’est probablement que l’écho, je répondrai très-sérieûsement, qu’il n’y a point d’Auteur, qui doive moins que moi redouter les critiques. Elles entrent dans mon plan. Et qu’est aûtre chose mon Dictionaire qu’un Recueuil de Remarques sur la Langue, et un Dépôt des diférentes opinions et des diverses pratiques, anciènes et modernes, sur cette matière. === Mais, pour que je puisse profiter, et faire profiter mes Lecteurs de pareilles Observations, il faut qu’elles viènent de persones conûes, et que je puisse citer ; ou que ceux qui ne se font pas conaître, les apuyent de quelque bone raison, que je puise aporter ; aûtrement, je me verrai réduit à cette Formule, employée dans quelques endroits de ce Dictionaire : quelques-uns pensent, ou écrivent, ou prononcent aûtrement : formule, qui n’aprend rien, et ne signifie rien.

Voilà tout ce que j’avais à dire pour le moment. Si après la publication du premier Volume, on m’honôre de quelque aûtre Critique, ou l’on me demande quelque aûtre éclaircissement, qui en vaille la peine, j’y satisferai dans un Avertissement, qui sera placé au commencement du Second Tome.