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x PRÉFACE.


que par l'habitude. Un plus grand nombre, qui n'ont pas eu les mêmes secours du côté de l'éducation, font, en ce genre, les faûtes les plus grossières. M. l'Abbé d'Olivet a donc rendu au Public un service inapréciable, en consacrant ses talens et ses veilles à un travail très-utile, mais non moins ingrat et non moins pénible. Nous l'avons pris pour guide, et il nous servira de garant. Nous avons mis à leur place, dans l'ordre Alphabétique, la terminaison des mots et les règles générales de la Prosodie Française, telles qu'elles se troûvent dans le Traité de cet illustre Académicien ; et réfléchissant sur ces règles, nous en avons conclu quelques principes généraux pour plusieurs voyelles longues. Ils serviront à diminuer le travail de la mémoire, et à généraliser les décisions. On les trouvera au mot Long. La grande utilité de notre travail a été d'apliquer à chaque mot ces règles générales de Prosodie. = Nous n'avertissons pas des syllabes, qui sont brèves : mais le silence est un avertissement dans cette ocasion. Toutes les syllabes, qui ne sont pas qualifiées longues, ou douteûses, doivent être censées brèves. Pour les longues, nous les marquons le plus souvent d'un accent dans l'Ortographe ; et si cet usage s'établissait, on n'aurait presque plus besoin d'étudier la Prosodie. Voy. Accent, à la fin.

Il est nécessaire, avant que de terminer cet article, de doner quelques avis, qui servent ou d'instruction et d'éclaircissement, ou de réponse aux objections qu'on peut faire. = 1°. Dans les règles, que nous donons d'après l'illustre Abbé d'Olivet, nous ne considérons que la Prononciation soutenûe, sans toucher aux licences de la conversation. Cet avis est nécessaire à ceux, qui ne conaissent leur Langue que par le Langage des Sociétés polies, qu'ils fréquentent, et dans lesquelles ils ne retroûvent pas cette exactitude gramaticale, qui y paraitrait un pédantisme. = 2°. Parmi les longues et les brèves, il y en a de plus ou moins longues et de plus ou moins brèves respectivement. Dans les mots, où tous les dérivés ont des voyelles longues, celles, qui sont devant la syllabe féminine (devant l'e muet) sont plus longues, que celles qui précèdent la syllabe masculine (c. à d. toutes les terminaisons aûtres que l'e muet). Ainsi dans, il amâsse, il câsse, il pâsse, etc. l'â est plus long que dans amâsser, il a câssé, nous pâssons etc. quoiqu'il soit long dans ceux ci. Au contraire, les pénultièmes brèves sont moins brèves devant l'e muet que devant toute aûtre terminaison. Ainsi, il éface, a l'a moins bref qu'éfacer, nous éfaçons. Dans ceux-ci, il est si bref, que ces mots forment ce qu'on apèle un dactyle dans les vers latins. = 3°. C'est surtout sur les pénultièmes que la diférence de la quantité se fait le mieux sentir, parce que, comme le dit si bien d'Olivet, ce sont les syllabes, qui sont toujours saisies avec le plus d'avidité par l'oreille ; dans notre Langue surtout, où il y a beaucoup de finales muettes, auxquelles comme nous l'avons dit, les pénultièmes servent d'apui. Ainsi, quoique les voyelles nazales, suivies d'une consone, soient sensiblement longues ; dans entendre, par exemple, le 2d. en, qui est pénultième, est plus long que le premier, qui comence le mot. = 4°. Les voyelles, le plus décidément longues, le sont plus ou moins suivant la position des mots dans la construction. Ainsi dans âme, grâce, tête, chôse, mûse, murmûre, etc. l'â, l'ê, l'ô, et l'û seront moins allongés dans le cours de la phrâse, que lorsque ces mots la terminent ; parceque la natûre et la raison nous portent également à apuyer plus fortement sur les derniers mots des périodes. = 5°. La même syllabe longue le parait davantage, quand elle est suivie d'une syllabe très-brève, que quand elle l'est d'une syllabe longue, ou moins brève. Ainsi, dans abandoner, et bondoner, l'an et l'on, sont plus longs que dans abandon et abondant : le voisinage de la syllabe brève rend plus sensible-la quantité de la syllabe longue. = 6°. Enfin, il est des syllabes, qui ne sont brèves ou longues que par leur position : elles sont brèves dans le cours de la phrâse : elles sont longues, quand elles la terminent. On apelle ces syllabes douteûses. Voy. au mot Douteux. Telle est la pénultième des Adjectifs terminés en able : aimable, favorable, etc.