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LIVRE iv.

et ils forment une espèce de nuage qui monte vers le ciel. Toutes les colonnes du temple sont ornées de festons pendants ; tous les vases qui servent aux sacrifices sont d’or. Un bois sacré de myrtes environne le bâtiment. Il n’y a que de jeunes garçons et de jeunes filles d’une rare beauté qui puissent présenter les victimes aux prêtres, et qui osent allumer le feu des autels. Mais l’impudence et la dissolution déshonorent un temple si magnifique.

D’abord, j’eus horreur de tout ce que je voyais ; mais insensiblement, je commençais à m’y accoutumer. Le vice ne m’effrayait plus ; toutes les compagnies m’inspiraient je ne sais quelle inclination pour le désordre : on se moquait de mon innocence, ma retenue et ma pudeur servaient de jouet à ces peuples effrontés. On n’oubliait rien pour exciter toutes mes passions, pour me tendre des pièges, et pour réveiller en moi le goût des plaisirs. Je me sentais affaiblir tous les jours ; la bonne éducation que j’avais reçue ne me soutenait presque plus ; toutes mes bonnes résolutions s’évanouissaient. Je ne me sentais plus la force de résister au mal qui me pressait de tous côtés ; j’avais même une mauvaise honte de la vertu. J’étais comme un homme qui nage dans une rivière profonde et rapide : d’abord il fend les eaux, et remonte contre le torrent ; mais si les bords sont escarpés, et s’il ne peut se reposer sur le rivage, il se lasse enfin peu à peu ; sa force l’abandonne, ses membres épuisés s’engourdissent, et le cours du fleuve l’entraîne. Ainsi, mes yeux commençaient à s’obscurcir, mon cœur tombait en défaillance ; je ne pouvais plus rappeler ni ma raison ni le souvenir des vertus de mon père. Le songe où je croyais avoir vu le sage Mentor descendu aux Champs-Élysées achevait de me décourager : une secrète et douce langueur s’emparait de moi ; j’aimais déjà le