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LIVRE iv.

riter. Achevez donc demain de lui raconter tout ce que les dieux ont fait en votre faveur, et apprenez une autre fois à parler plus sobrement de tout ce qui peut vous attirer quelque louange. Télémaque reçut avec amitié un si bon conseil, et ils se couchèrent.

Aussitôt que Phébus eut répandu ses premiers rayons sur la terre, Mentor, entendant la voix de la déesse qui appelait ses nymphes dans le bois, éveilla Télémaque. Il est temps, lui dit-il, de vaincre le sommeil. Allons retrouver Calypso : mais défiez-vous de ses douces paroles ; ne lui ouvrez jamais votre cœur ; craignez le poison flatteur de ses louanges. Hier, elle vous élevait au-dessus de votre sage père, de l’invincible Achille, du fameux Thésée, d’Hercule devenu immortel. Sentîtes-vous combien cette louange est excessive ? Crûtes-vous ce qu’elle disait ? Sachez qu’elle ne le croit pas elle-même ; elle ne vous loue qu’à cause qu’elle vous croît faible et assez vain pour vous laisser tromper par des louanges disproportionnées à vos actions.

Après ces paroles, ils allèrent au lieu où la déesse les attendait. Elle sourit en les voyant, et cacha, sous une apparence de joie, la crainte et l’inquiétude qui troublaient son cœur ; car elle prévoyait que Télémaque, conduit par Mentor, lui échapperait de même qu’Ulysse. Hâtez-vous, dit-elle, mon cher Télémaque, de satisfaire ma curiosité ; j’ai cru, pendant toute la nuit, vous voir partir de Phénicie et chercher une nouvelle destinée dans l’île de Chypre. Dites-nous donc quel fut ce voyage, et ne perdons pas un moment. Alors on s’assit sur l’herbe semée de violettes, à l’ombre d’un bocage épais.

Calypso ne pouvait s’empêcher de jeter sans cesse des regards tendres et passionnés sur Télémaque, et de voir avec indignation que Mentor observait jusqu’au moindre