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gagner, et de savoir perdre à propos. Faites-vous aimer par tous les étrangers ; souffrez même quelque chose d’eux ; craignez d’exciter leur jalousie par votre hauteur : soyez constant dans les règles du commerce ; qu’elles soient simples et faciles ; accoutumez vos peuples à les suivre inviolablement ; punissez sévèrement la fraude, et même la négligence ou le faste des marchands, qui ruine le commerce en ruinant les hommes qui le font. Surtout n’entreprenez jamais de gêner le commerce pour le tourner selon vos vues. Il faut que le prince ne s’en mêle point, de peur de le gêner, et qu’il en laisse tout le profit à ses sujets qui en ont la peine ; autrement il les découragera : il en tirera assez d’avantages par les grandes richesses qui entreront dans ses États. Le commerce est comme certaines sources : si vous voulez détourner leur cours, vous les faites tarir. Il n’y a que le profit et la commodité qui attirent les étrangers chez vous ; si vous leur rendez le commerce moins commode et moins utile, ils se retirent insensiblement, et ne reviennent plus, parce que d’autres peuples, profitant de votre imprudence, les attirent chez eux, et les accoutument à se passer de vous. Il faut même vous avouer que depuis quelque temps, la gloire de Tyr est bien obscurcie. Oh si vous l’aviez vue, mon cher Télémaque, avant le règne de Pygmalion, vous auriez été bien plus étonné ! Vous ne trouvez plus maintenant ici que les tristes restes d’une grandeur qui menace ruine. Ô malheureuse Tyr ! en quelles mains es-tu tombée ! autrefois la mer t’apportait le tribut de tous les peuples de la terre.

Pygmalion craint tout, et des étrangers et de ses sujets. Au lieu d’ouvrir, suivant notre ancienne coutume, ses ports à toutes les nations les plus éloignées, dans une entière liberté, il veut savoir le nombre des vaisseaux qui