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FABLES.

des dieux. Minerve lui donnait aussi le fruit de son arbre, qui est si utile à l’homme. L’hiver était la saison du repos, où toute la famille assemblée goûtait une joie innocente, et remerciait les dieux d’être si désabusée des faux plaisirs. Ils ne mangeaient de viande que dans les sacrifices, et leurs troupeaux n’étaient destinés qu’aux autels.

Mélibée ne montrait presque aucune des passions de la jeunesse : il conduisait les grands troupeaux ; il coupait de grands chênes dans les forêts ; il creusait de petits canaux pour arroser les prairies ; il était infatigable pour soulager son père. Ses plaisirs, quand le travail n’était pas de saison, étaient la chasse, les courses avec les jeunes gens de son âge, et la lecture, dont son père lui avait donné le goût.

Bientôt Mélésichthon, en s’accoutumant à une vie simple, se vit plus riche qu’il ne l’avait été auparavant. Il n’avait chez lui que les choses nécessaires à la vie ; mais il les avait toutes en abondance. Il n’avait presque de société que dans sa famille. Ils s’aimaient tous ; ils se rendaient mutuellement heureux : ils vivaient loin des palais des rois, et des plaisirs qu’on achète si cher ; les leurs étaient doux, innocents, simples, faciles à trouver, et sans aucune suite dangereuse. Mélibée et Poéménis furent ainsi élevés dans le goût des travaux champêtres. Ils ne se souvinrent de leur naissance que pour avoir plus de courage en supportant la pauvreté. L’abondance revenue dans toute cette maison n’y ramena point le faste : la famille entière fut toujours simple et laborieuse. Tout le monde disait à Mélésichthon : Les richesses rentrent chez vous ; il est temps de reprendre votre ancien éclat. Alors il répondait ces paroles : À qui voulez-vous que je m’attache, ou au faste qui m’avait perdu, ou à une vie simple et laborieuse qui m’a rendu riche et heureux ? Enfin, se trouvant un jour dans ce bois sombre où Cérès l’avait instruit par un songe si utile, il s’y reposa sur l’herbe avec autant de joie qu’il y avait eu d’amertume dans le temps passé. Il s’endormit ; et la déesse se montrant à lui comme dans son premier songe, lui dit ces