Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/520

Cette page a été validée par deux contributeurs.
503
FABLES.

le trône le lion de cour. D’abord il s’amollit dans les plaisirs ; il n’aima que le faste ; il usait de souplesse et de ruse, pour cacher sa cruauté et sa tyrannie. Bientôt il fut haï, méprisé, détesté. Alors la vieille lionne dit : Il est temps de le détrôner. Je savais bien qu’il était indigne d’être roi : mais je voulais que vous en eussiez un gâté par la mollesse et par la politique, pour vous mieux faire sentir ensuite le prix d’un autre qui a mérité la royauté par sa patience et par sa valeur. C’est maintenant qu’il faut les faire combattre l’un contre l’autre. Aussitôt on les mit dans un champ clos, où les deux champions servirent de spectacle à l’assemblée. Mais le spectacle ne fut pas long, le lion amolli tremblait, et n’osait se présenter à l’autre : il fuit honteusement, et se cache ; l’autre le poursuit, et lui insulte. Tous s’écrièrent : Il faut l’égorger et le mettre en pièces ! Non, non, répondit il ; quand on a un ennemi si lâche, il y aurait de la lâcheté à le craindre. Je saurai bien régner sans m’embarrasser de le tenir soumis. En effet, le vigoureux lion régna avec sagesse et autorité. L’autre fut très-content de lui faire bassement sa cour, d’obtenir de lui quelques morceaux de chair, et de passer sa vie dans une oisiveté honteuse.





XXX. Les Abeilles.




Un jeune prince, au retour des zéphyrs, lorsque toute la nature se ranime, se promenait dans un jardin délicieux ; il entendit un grand bruit, et aperçut une ruche d’abeilles. Il s’approche de ce spectacle, qui était nouveau pour lui ; il vit avec étonnement l’ordre, le soin et le travail de cette petite république. Les cellules commençaient à se former, et à prendre une figure régulière. Une partie des abeilles les remplissaient de leur doux nectar : les autres apportaient des fleurs qu’elles avaient choisies entre toutes les richesses du printemps. L’oisiveté et la paresse étaient bannies de ce petit État :