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FABLES.

bois ; il leur parut gracieux, noble, aimant les Muses et l’harmonie : elles crurent que c’était Apollon, tel qu’il fut autrefois chez le roi Admète, ou du moins quelque jeune héros du sang de ce dieu. Les deux oiseaux, inspirés par les Muses, commencèrent aussitôt à chanter ainsi :

« Quel est donc ce berger, ou ce dieu inconnu, qui vient orner notre bocage ? Il est sensible à nos chansons ; il aime la poésie : elle adoucira son cœur, et le rendra aussi aimable qu’il est fier. »

Alors Philomèle continua seule :

« Que ce jeune héros croisse en vertu, comme une fleur que le printemps fait éclore ! qu’il aime les doux jeux de l’esprit ! que les grâces soient sur ses lèvres ! que la sagesse de Minerve règne dans son cœur ! »

La fauvette lui répondit :

« Qu’il égale Orphée par les charmes de sa voix, et Hercule par ses hauts faits ! qu’il porte dans son cœur l’audace d’Achille, sans en avoir la férocité ! Qu’il soit bon, qu’il soit sage, bienfaisant, tendre pour les hommes, et aimé d’eux ! Que les Muses fassent naître en lui toutes les vertus ! »

Puis les deux oiseaux inspirés reprirent ensemble :

« Il aime nos douces chansons ; elles entrent dans son cœur, comme la rosée tombe sur nos gazons brûlés par le soleil. Que les dieux le modèrent, et le rendent toujours fortuné ! qu’il tienne en sa main la corne d’abondance ! que l’âge d’or revienne par lui ! que la sagesse se répande de son cœur sur tous les mortels ! et que les fleurs naissent sous ses pas ! »

Pendant qu’elles chantèrent, les zéphyrs retinrent leurs haleines ; toutes les fleurs du bocage s’épanouirent ; les ruisseaux formés par les trois fontaines suspendirent leur cours ; les Satyres et les Faunes, pour mieux écouter, dressaient leurs oreilles aiguës ; Écho redisait ces belles paroles à tous les rochers d’alentour ; et toutes les Dryades sortirent du sein des arbres