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FABLES.

s’en faire honneur. Alors il passa d’une extrémité à l’autre ; la vanité l’aveugla. Il se vanta d’avoir fait ce coup merveilleux par la vertu de ses enchantements. Mais dans le moment où on lui parlait, on fut bien surpris de voir le même char recommencer la même course. Puis le roi entendit une voix qui lui disait à l’oreille : Orodes se moque de toi ; il se vante de ce qu’il n’a pas fait. Le roi, irrité contre Orodes, le fit aussitôt charger de fers, et jeter dans une profonde prison.

Callimaque, ayant senti le plaisir de contenter ses passions par le secours de son anneau, perdit peu à peu les sentiments de modération et de vertu qu’il avait eus dans sa solitude et dans ses malheurs. Il fut même tenté d’entrer dans la chambre du roi, et de le tuer dans son lit. Mais on ne passe point tout d’un coup aux plus grands crimes ; il eut horreur d’une action si noire, et ne put endurcir son cœur pour l’exécuter. Mais il partit pour s’en aller en Perse trouver Cyrus : il lui dit les secrets de Crésus qu’il avait entendus, et le dessein des Lydiens de faire une ligue contre les Perses avec les colonies grecques de toute la côte de l’Asie Mineure ; en même temps il lui expliqua les préparatifs de Crésus et les moyens de le prévenir. Aussitôt Cyrus part de dessus les bords du Tigre, où il était campé avec une armée innombrable, et vient jusqu’au fleuve Halys, où Crésus se présenta à lui avec des troupes plus magnifiques que courageuses. Les Lydiens vivaient trop délicieusement pour ne craindre point la mort. Leurs habits étaient brodés d’or, et semblables à ceux des femmes les plus vaines ; leurs armes étaient toutes dorées, ils étaient suivis d’un nombre prodigieux de chariots superbes ; l’or, l’argent, les pierres précieuses, éclataient partout dans leurs tentes, dans leurs vases, dans leurs meubles, et jusque sur leurs esclaves. Le faste et la mollesse de cette armée ne devaient faire attendre qu’imprudence et lâcheté, quoique les Lydiens fussent en beaucoup plus grand nombre que les Perses. Ceux-ci, au contraire, ne montraient que pauvreté et courage : ils étaient légèrement vêtus ; ils vivaient de peu, se nourrissaient de raci-