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FABLES.

Ses crimes invisibles étonnèrent tout le monde. Le roi, voyant tant de secrets découverts, ne savait à quoi attribuer cet inconvénient ; mais la prospérité sans bornes et l’insolence de Braminte lui firent soupçonner qu’il avait l’anneau enchanté de son frère. Pour le découvrir, il se servit d’un étranger d’une nation ennemie, à qui il donna une grande somme. Cet homme vint la nuit offrir à Braminte de la part du roi ennemi, des biens et des honneurs immenses, s’il voulait lui faire savoir par des espions tout ce qu’il pourrait apprendre des secrets de son roi.

Braminte promit tout, alla même dans un lieu où on lui donna une somme très-grande pour commencer sa récompense. Il se vanta d’avoir un anneau qui le rendait invisible. Le lendemain, le roi l’envoya chercher, et le fit d’abord saisir. On lui ôta l’anneau, et on trouva sur lui plusieurs papiers qui prouvaient ses crimes. Rosimond revint à la cour pour demander la grâce de son frère, qui lui fut refusée. On fit mourir Braminte ; et l’anneau lui fut plus funeste qu’il n’avait été utile à son frère.

Le roi, pour consoler Rosimond de la punition de Braminte, lui rendit l’anneau, comme un trésor d’un prix infini. Rosimond, affligé, n’en jugea pas de même ; il retourna chercher la fée dans les bois. Tenez, lui dit-il, votre anneau. L’expérience de mon frère m’a fait comprendre ce que je n’avais pas bien compris d’abord quand vous me le dîtes. Gardez cet instrument fatal de la perte de mon frère. Hélas ! il serait encore vivant ; il n’aurait pas accablé de douleur et de honte la vieillesse de mon père et de ma mère ; il serait peut être sage et heureux, s’il n’avait jamais eu de quoi contenter ses désirs. Oh ! qu’il est dangereux de pouvoir plus que les autres hommes ! Reprenez votre anneau : malheur à ceux à qui vous le donnerez ! L’unique grâce que je vous demande, c’est de ne le donner jamais à aucune des personnes pour qui je m’intéresse.