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FABLES.

ge en secret pour aller épouser une princesse d’un royaume voisin : mais, sous ce prétexte, il alla voir sa mère, à laquelle il raconta tout ce qu’il avait fait à la cour, et lui donna dans le besoin, quelque petit secours d’argent ; car le roi lui laissait prendre tout celui qu’il voulait ; mais il n’en prenait jamais beaucoup. Cependant il s’éleva une furieuse guerre entre le roi et un autre roi voisin, qui était injuste et de mauvaise foi. Rosimond alla à la cour du roi ennemi ; entra, par le moyen de son anneau, dans tous les conseils secrets de ce prince, demeurant toujours invisible. Il profita de tout ce qu’il apprit des mesures des ennemis : il les prévint, et les déconcerta en tout ; il commanda l’armée contre eux ; il les défit entièrement dans une grande bataille, et conclut bientôt avec eux une paix glorieuse, à des conditions équitables. Le roi ne songeait qu’à le marier avec une princesse héritière d’un royaume voisin, et plus belle que les Grâces. Mais un jour, pendant que Rosimond était à la chasse dans la même forêt où il avait autrefois trouvé la fée, elle se présenta à lui. Gardez-vous bien, lui dit-elle d’une voix sévère, de vous marier comme si vous étiez le prince ; il ne faut tromper personne : il est juste que le prince pour qui l’on vous prend revienne succéder à son père. Allez le chercher dans une île où les vents que j’enverrai enfler les voiles de votre vaisseau vous mèneront sans peine. Hâtez-vous de rendre ce service à votre maître, contre ce qui pourrait flatter votre ambition, et songez à rentrer en homme de bien dans votre condition naturelle. Si vous ne le faites, vous serez injuste et malheureux ; je vous abandonnerai à vos anciens malheurs. Rosimond profita sans peine d’un si sage conseil. Sous prétexte d’une négociation secrète dans un État voisin il s’embarqua sur un vaisseau, et les vents le menèrent d’abord dans l’île où la fée lui avait dit qu’était le vrai fils du roi. Ce prince était captif chez un peuple sauvage, où on lui faisait garder des troupeaux. Rosimond, invisible, l’alla enlever dans les pâturages où il conduisait son troupeau ; et le couvrant de son propre manteau, qui était