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FABLES
composées pour l’éducation
DE M. LE DUC DE BOURGOGNE.


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I. Histoire d’une vieille Reine et d’une jeune Paysanne.




Il était une fois une reine si vieille, si vieille, qu’elle n’avait plus ni dents ni cheveux ; sa tête branlait comme les feuilles que le vent remue ; elle ne voyait goutte, même avec ses lunettes ; le bout de son nez et celui de son menton se touchaient : elle était rapetissée de la moitié, et toute en un peloton, avec le dos si courbé, qu’on aurait cru qu’elle avait toujours été contrefaite. Une fée, qui avait assisté à sa naissance, l’aborda, et lui dit : Voulez-vous rajeunir ? Volontiers, répondit la reine : je donnerais tous mes joyaux pour n’avoir que vingt ans. Il faut donc, continua la fée, donner votre vieillesse à quelque autre dont vous prendrez la jeunesse et la santé. À qui donnerons-nous vos cent ans ? La reine fit chercher partout quelqu’un qui voulût être vieux pour la rajeunir. Il vint beaucoup de gueux qui voulaient vieillir pour être riches : mais quand ils avaient vu la reine tousser, cracher, râler, vivre de bouillie, être sale, hideuse, puante, souffrante, et radoter un peu, ils ne voulaient plus se charger de ses années ; ils aimaient mieux mendier, et porter des haillons. Il venait aussi des ambitieux, à qui elle promettait de grands rangs et de grands honneurs. Mais que faire de ces rangs ? disaient-ils après l’avoir vue ; nous n’oserions nous