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TÉLÉMAQUE.

loir qu’elle chantât la victoire remportée sur les Dauniens et sur Adraste : mais elle ne put se résoudre à chanter les louanges de Télémaque ; elle s’en défendit avec respect, et son père n’osa la contraindre. Sa voix douce et touchante pénétrait le cœur du jeune fils d’Ulysse ; il était tout ému. Idoménée, qui avait les yeux attachés sur lui, jouissait du plaisir de remarquer son trouble. Mais Télémaque ne faisait pas semblant d’apercevoir les desseins du roi ; il ne pouvait s’empêcher, en ces occasions, d’être fort touché ; mais la raison était en lui au-dessus du sentiment, et ce n’était plus ce même Télémaque qu’une passion tyrannique avait autrefois captivé dans l’île de Calypso. Pendant qu’Antiope chantait, il gardait un profond silence ; dès qu’elle avait fini, il se hâtait de tourner la conversation sur quelque autre matière.

Le roi, ne pouvant par cette voie réussir dans son dessein, prit enfin la résolution de faire une grande chasse, dont il voulut, contre la coutume, donner le plaisir à sa fille. Antiope pleura, ne voulant point y aller ; mais il fallut exécuter l’ordre absolu de son père. Elle monte un cheval écumant, fougueux, et semblable à ceux que Castor domptait pour les combats : elle le conduit sans peine : une troupe de jeunes filles la suit avec ardeur ; elle paraît au milieu d’elles comme Diane dans les forêts. Le roi la voit, et il ne peut se lasser de la voir ; en la voyant, il oublie tous ses malheurs passés. Télémaque la voit aussi, et il est encore plus touché de la modestie d’Antiope que de son adresse et de toutes ses grâces.

Les chiens poursuivaient un sanglier d’une grandeur énorme et furieux comme celui de Calydon : ses longues soies étaient dures et hérissées comme des dards ; ses yeux étincelants étaient pleins de sang et de feu : son souffle se