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TÉLÉMAQUE.

ce qu’on peut exécuter ; elle reprend avec bonté, et en reprenant elle encourage. Le cœur de son père se repose sur elle, comme un voyageur abattu par les ardeurs du soleil se repose à l’ombre sur l’herbe tendre. Vous avez raison, Télémaque ; Antiope est un trésor digne d’être cherché dans les terres les plus éloignées. Son esprit, non plus que son corps, ne sépare jamais de vains ornements ; son imagination, quoique vive, est retenue par sa discrétion : elle ne parle que pour la nécessité ; et si elle ouvre la bouche, la douce persuasion et les grâces naïves coulent de ses lèvres. Dès qu’elle parle, tout le monde se tait, et elle en rougit : peu s’en faut qu’elle ne supprime ce qu’elle a voulu dire, quand elle aperçoit qu’on l’écoute si attentivement. À peine l’avons-nous entendue parler.

Vous souvenez-vous, ô Télémaque, d’un jour que son père la fit venir ? Elle parut, les yeux baissés, couverte d’un grand voile ; elle ne parla que pour modérer la colère d’Idoménée, qui voulait faire punir rigoureusement un de ses esclaves : d’abord elle entra dans sa peine, puis elle le calma ; enfin elle lui fit entendre ce qui pouvait excuser ce malheureux ; et, sans faire sentir au roi qu’il s’était trop emporté, elle lui inspira des sentiments de justice et de compassion. Thétis, quand elle flatte le vieux Nérée, n’apaise pas avec plus de douceur les flots irrités. Ainsi Antiope, sans prendre aucune autorité, et sans se prévaloir de ses charmes, maniera un jour le cœur de son époux comme elle touche maintenant sa lyre, quand elle veut en tirer les plus tendres accords. Encore une fois, Télémaque, votre amour pour elle est juste ; les dieux vous la destinent : vous l’aimez d’un amour raisonnable ; il faut attendre qu’Ulysse vous la donne. Je vous loue de n’avoir point voulu lui découvrir vos sentiments : mais sachez que, si