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LIVRE xvii.

aimait naturellement toutes les choses qui ont de l’éclat et de la politesse. Mais d’autres pensées occupèrent aussitôt son cœur ; il vit de loin venir à lui Idoménée avec Mentor : aussitôt son cœur fut ému de joie et de tendresse. Malgré tous les succès qu’il avait eus dans la guerre contre Adraste, il craignait que Mentor ne fût pas content de lui ; et, à mesure qu’il s’avançait, il cherchait dans les yeux de Mentor pour voir s’il n’avait rien à se reprocher.

D’abord Idoménée embrassa Télémaque comme son propre fils ; ensuite Télémaque se jeta au cou de Mentor, et l’arrosa de ses larmes. Mentor lui dit : Je suis content de vous : vous avez fait de grandes fautes, mais elles vous ont servi à vous connaître, et à vous défier de vous-même. Souvent on tire plus de fruit de ses fautes que de ses belles actions. Les grandes actions enflent le cœur, et inspirent une présomption dangereuse ; les fautes font rentrer l’homme en lui-même, et lui rendent la sagesse qu’il avait perdue dans les bons succès. Ce qui vous reste à faire, c’est de louer les dieux, et de ne vouloir pas que les hommes vous louent. Vous avez fait de grandes choses ; mais avouez la vérité, ce n’est guère vous par qui elles ont été faites : n’est-il pas vrai qu’elles vous sont venues comme quelque chose d’étranger qui était mis en vous ? n’étiez-vous pas capable de les gâter par votre promptitude et par votre imprudence ? Ne sentez-vous pas que Minerve vous a comme transformé en un autre homme au-dessus de vous-même, pour faire par vous ce que vous avez fait ? elle a tenu tous vos défauts en suspens, comme Neptune, quand il apaise les tempêtes, suspend les flots irrités.

Pendant qu’Idoménée interrogeait avec curiosité les Crétois qui étaient revenus de la guerre, Télémaque écoutait ainsi les sages conseils de Mentor. Ensuite il regardait