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LIVRE xvi.

royaume, ma famille, et cette douce lumière d’un pays où je commençai à voir le jour en naissant. Non, je ne reverrai jamais tout ce qui m’a été le plus cher au monde. Je viens, après tant de naufrages, chercher sur ces rives inconnues un peu de repos, et une retraite assurée. Si vous craignez les dieux, et surtout Jupiter, qui a soin des étrangers, si vous êtes sensibles à la compassion, ne me refusez pas, dans ces vastes pays, quelque coin de terre infertile, quelques déserts, quelques sables, ou quelques rochers escarpés, pour y fonder, avec mes compagnons, une ville qui soit du moins une triste image de notre patrie perdue. Nous ne demandons qu’un peu d’espace qui vous soit inutile. Nous vivrons en paix avec vous dans une étroite alliance ; vos ennemis seront les nôtres ; nous entrerons dans tous vos intérêts : nous ne demandons que la liberté de vivre selon nos lois.

Pendant que Diomède parlait ainsi, Télémaque, ayant les yeux attachés sur lui, montra sur son visage toutes les différentes passions. Quand Diomède commença à parler de ses longs malheurs, il espéra que cet homme si majestueux serait son père. Aussitôt qu’il eut déclaré qu’il était Diomède, le visage de Télémaque se flétrit comme une belle fleur que les noirs aquilons viennent de ternir de leur souffle cruel. Ensuite les paroles de Diomède, qui se plaignait de la longue colère d’une divinité, l’attendrirent par le souvenir des mêmes disgrâces souffertes par son père et par lui ; des larmes mêlées de douleur et de joie coulèrent sur ses joues, et il se jeta tout à coup sur Diomède pour l’embrasser.

Je suis, dit-il, le fils d’Ulysse que vous avez connu, et qui ne vous fut pas inutile quand vous prîtes les chevaux fameux de Rhésus. Les dieux l’ont traité sans pitié