Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/391

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LIVRE XVI.


Les chefs de l’armée s’assemblent pour délibérer sur la demande des Dauniens. Télémaque, après avoir rendu les derniers devoirs à Pisistrate, fils de Nestor, se rend à l’assemblée, où la plupart sont d’avis de partager entre eux le pays des Dauniens, et offrent à Télémaque, pour sa part, la fertile contrée d’Arpine. Bien loin d’accepter cette offre, Télémaque fait voir que l’intérêt commun des alliés est de laisser aux Dauniens leurs terres, et de leur donner pour roi Polydamas, fameux capitaine de leur nation, non moins estimé pour sa sagesse que pour sa valeur. Les alliés consentent à ce choix, qui comble de joie les Dauniens. Télémaque persuade ensuite à ceux-ci de donner la contrée d’Arpine à Diomède, roi d’Étolie, qui était alors poursuivi avec ses compagnons par la colère de Vénus, qu’il avait blessée au siège de Troie. Les troubles étant ainsi terminés, tous les princes ne songent plus qu’à se séparer pour s’en retourner chacun dans son pays.


Les chefs de l’armée s’assemblèrent, dès le lendemain, pour accorder un roi aux Dauniens. On prenait plaisir à voir les deux camps confondus par une amitié si inespérée, et les deux armées qui n’en faisaient plus qu’une. Le sage Nestor ne put se trouver dans ce conseil, parce que la douleur, jointe à la vieillesse, avait flétri son cœur, comme la pluie abat et fait languir, le soir, une fleur qui était le matin, pendant la naissance de l’aurore, la gloire et l’ornement des vertes campagnes. Ses yeux étaient devenus deux fontaines de larmes qui ne pouvaient tarir : loin d’eux s’enfuyait le doux sommeil, qui charme les plus cuisantes peines. L’espérance, qui est la vie du cœur de l’homme, était éteinte en lui. Toute nourriture était amère à cet infortuné vieillard ; la lumière même lui était odieuse : son âme ne demandait plus qu’à quitter son corps, et qu’à se plonger dans l’éternelle nuit de l’empire de Pluton.