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LIVRE xv.

homme dormant, qui, dans un songe affreux, ouvre la bouche, et fait des efforts pour parler ; mais la parole lui manque toujours, et il la cherche en vain. D’une main tremblante et précipitée, Adraste lance son dard contre Télémaque. Celui-ci, intrépide comme l’ami des dieux, se couvre de son bouclier ; il semble que la Victoire, le couvrant de ses ailes, tient déjà une couronne suspendue au-dessus de sa tête : le courage doux et paisible reluit dans ses yeux ; on le prendrait pour Minerve même, tant il paraît sage et mesuré au milieu des plus grands périls. Le dard lancé par Adraste est repoussé par le bouclier. Alors Adraste se hâte de tirer son épée, pour ôter au fils d’Ulysse l’avantage de lancer son dard à son tour. Télémaque voyant Adraste l’épée à la main, se hâte de la mettre aussi, et laisse son dard inutile.

Quand on les vit ainsi tous deux combattre de près, tous les autres combattants, en silence, mirent bas les armes pour regarder attentivement ; et on attendit de leur combat la décision de toute la guerre. Les deux glaives, brillants comme les éclairs d’où partent les foudres, se croisent plusieurs fois, et portent des coups inutiles sur les armes polies, qui en retentissent. Les deux combattants s’allongent, se replient, s’abaissent, se relèvent tout à coup, et enfin se saisissent. Le lierre, en naissant au pied d’un ormeau, n’en serre pas plus étroitement le tronc dur et noueux par ses rameaux entrelacés jusqu’aux plus hautes branches de l’arbre, que ces deux combattants se serrent l’un l’autre. Adraste n’avait encore rien perdu de sa force ; Télémaque n’avait pas encore toute la sienne. Adraste fait plusieurs efforts pour surprendre son ennemi et pour l’ébranler. Il tâche de saisir l’épée du jeune Grec, mais en vain : dans le moment où il la cherche, Télémaque