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TÉLÉMAQUE.

chez-vous donc principalement aux véritables richesses qui satisfont aux vrais besoins de l’homme. Pour l’argent monnayé, il ne faut en faire aucun cas, qu’autant qu’il est nécessaire, ou pour les guerres inévitables qu’on a à soutenir au dehors, ou pour le commerce des marchandises nécessaires qui manquent dans votre pays : encore serait-il à souhaiter qu’on laissât tomber le commerce à l’égard de toutes les choses qui ne servent qu’à entretenir le luxe, la vanité et la mollesse.

Ce sage Érichthon disait souvent : Je crains bien, mes enfants, de vous avoir fait un présent funeste en vous donnant l’invention de la monnaie. Je prévois qu’elle excitera l’avarice, l’ambition, le faste ; qu’elle entretiendra une infinité d’arts pernicieux, qui ne vont qu’à amollir et à corrompre les mœurs ; qu’elle vous dégoûtera de l’heureuse simplicité, qui fait tout le repos et toute la sûreté de la vie ; qu’enfin elle vous fera mépriser l’agriculture, qui est le fondement de la vie humaine et la source de tous les vrais biens : mais les dieux sont témoins que j’ai eu le cœur pur en vous donnant cette invention utile en elle-même. Enfin, quand Érichthon aperçut que l’aident corrompait les peuples, comme il l’avait prévu, il se retira de douleur sur une montagne sauvage, où il vécut pauvre et éloigné des hommes, jusqu’à une extrême vieillesse, sans vouloir se mêler du gouvernement des villes.

Peu de temps après lui, on vit paraître dans la Grèce le fameux Triptolème, à qui Cérès avait enseigné l’art de cultiver les terres, et de les couvrir tous les ans d’une moisson dorée. Ce n’est pas que les hommes ne connussent déjà le blé, et la manière de le multiplier en le semant : mais ils ignoraient la perfection du labourage ; et Triptolème, envoyé par Cérès, vint, la charrue en main, offrir