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TÉLÉMAQUE.

blesse avait été grande ; ils n’avaient jamais craint de ne connaître point la vérité ; ils n’avaient point eu le goût de la vertu, et n’avaient pas mis leur plaisir à faire du bien.

Lorsque Télémaque sortit de ces lieux, il se sentit soulagé, comme si on avait ôté une montagne de dessus sa poitrine ; il comprit, par ce soulagement, le malheur de ceux qui y étaient renfermés sans espérance d’en sortir jamais. Il était effrayé de voir combien les rois étaient plus rigoureusement tourmentés que les autres coupables. Quoi, disait-il, tant de devoirs, tant de périls, tant de pièges, tant de difficultés de connaître la vérité, pour se défendre contre les autres et contre soi-même ; enfin tant de tourments horribles dans les enfers, après avoir été si agité, si envié, si traversé dans une vie courte ! Ô insensé celui qui cherche à régner ! Heureux celui qui se borne à une condition privée et paisible, où la vertu lui est moins difficile !

En faisant ces réflexions, il se troublait au-dedans de lui-même, il frémit, et tomba dans une consternation qui lui fit sentir quelque chose du désespoir de ces malheureux qu’il venait de considérer. Mais, à mesure qu’il s’éloigna de ce triste séjour des ténèbres, de l’horreur et du désespoir, son courage commença peu à peu à renaître : il respirait, et entrevoyait déjà de loin la douce et pure lumière du séjour des héros.

C’est dans ce lieu qu’habitaient tous les bons rois qui avaient jusqu’alors gouverné sagement les hommes : ils étaient séparés du reste des justes. Comme les méchants princes souffraient, dans le Tartare, des supplices infiniment plus rigoureux que les autres coupables d’une condition privée, aussi les bons rois jouissaient, dans les Champs-Élysées, d’un bonheur infiniment plus grand que