Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.


LIVRE XIV.


Télémaque, persuadé par divers songes que son père Ulysse n’est plus sur la terre, exécute le dessein, qu’il avait conçu depuis longtemps, d’aller le chercher dans les enfers. Il se dérobe du camp, pendant la nuit, et se rend à la fameuse caverne d’Achérontia. Il s’y enfonce courageusement, et arrive bientôt au bord du Styx, où Charon le reçoit dans sa barque. Il va se présenter devant Pluton, qui lui permet de chercher son père dans les enfers. Il traverse d’abord le Tartare, où il voit les tourments que souffrent les ingrats, les parjures, les impies, les hypocrites, et surtout les mauvais rois. Il entre ensuite dans les Champs-Élysées, où il contemple avec délices la félicité dont jouissent les hommes justes, et surtout les bons rois, qui, pendant leur vie, ont sagement gouverné les hommes. Il est reconnu par Arcésius, son bisaïeul, qui l’assure qu’Ulysse est vivant, et qu’il reprendra bientôt l’autorité dans Ithaque, où son fils doit régner après lui. Arcésius donne à Télémaque les plus sages instructions sur l’art de régner. Il lui fait remarquer combien la récompense des bons rois, qui ont principalement excellé par la justice et par la vertu, surpasse la gloire de ceux qui ont excellé par la valeur. Après cet entretien, Télémaque sort du ténébreux empire de Pluton, et retourne promptement au camp des alliés.


Cependant Adraste, dont les troupes avaient été considérablement affaiblies dans le combat, s’était retiré derrière la montagne d’Aulon, pour attendre divers secours et pour tâcher de surprendre encore une fois ses ennemis : semblable à un lion affamé, qui, ayant été repoussé d’une bergerie, s’en retourne dans les sombres forêts et rentre dans sa caverne, où il aiguise ses dents et ses griffes, attendant le moment favorable pour égorger tous les troupeaux.

Télémaque, ayant pris soin de mettre une exacte discipline dans tout le camp, ne songea plus qu’à exécuter un dessein qu’il avait conçu, et qu’il cacha à tous les chefs de l’armée. Il y avait déjà longtemps qu’il était agité, pen-