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TÉLÉMAQUE.

que je suis désolé d’avoir fait ! trop heureux ! trop heureux ! mais peut-être qu’avant la fin du jour je ferai et voudrai flaire encore les mêmes fautes dont j’ai maintenant tant de honte et d’horreur. Ô funeste victoire ! ô louanges que je ne puis souffrir, et qui sont de cruels reproches de ma folie !

Pendant qu’il était seul, inconsolable, Nestor et Philoctète le vinrent trouver. Nestor voulut lui remontrer le tort qu’il avait ; mais ce sage vieillard, reconnaissant bientôt la désolation du jeune homme, changea ses graves remontrances en des paroles de tendresse, pour adoucir son désespoir.

Les princes alliés étaient arrêtés par cette querelle ; et ils ne pouvaient marcher vers les ennemis qu’après avoir réconcilié Télémaque avec Phalante et Hippias. On craignait à toute heure que les troupes des Tarentins n’attaquassent les cent jeunes Crétois qui avaient suivi Télémaque dans cette guerre : tout était dans le trouble pour la faute du seul Télémaque ; et Télémaque, qui voyait tant de maux présents et de périls pour l’avenir, dont il était l’auteur, s’abandonnait à une douleur amère. Tous les princes étaient dans un extrême embarras : ils n’osaient faire marcher l’armée, de peur que dans la marche les Crétois de Télémaque et les Tarentins de Phalante ne combattissent les uns contre les autres. On avait bien de la peine à les retenir au dedans du camp, où ils étaient gardés. Nestor et Philoctète allaient et venaient sans cesse de la tente de Télémaque à celle de l’implacable Phalante, qui ne respirait que la vengeance. La douce éloquence de Nestor et l’autorité du grand Philoctète ne pouvaient modérer ce cœur farouche, qui était encore sans cesse irrité par les discours pleins de rage de son frère Hippias. Télémaque était