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TÉLÉMAQUE.

un sensible regret de ravoir persécuté avec tant d’injustice. Cet aveu, bien loin de paraître une faiblesse dans un roi, fut regardé par tous les Salentins comme l’effort d’une grande âme qui s’élève au-dessus de ses propres fautes, en les avouant avec courage pour les réparer. Tout le monde pleurait de joie de revoir l’homme de bien qui avait toujours aimé le peuple, et d’entendre le roi parler avec tant de sagesse et de bonté. Philoclès, avec un air respectueux et modeste, recevait les caresses du roi, et avait impatience de se dérober aux acclamations du peuple ; il suivit le roi au palais. Bientôt Mentor et lui furent dans la même confiance que s’ils avaient passé leur vie ensemble, quoiqu’ils ne se fussent jamais vus : c’est que les dieux, qui ont refusé aux méchants des yeux pour connaître les bons, ont donné aux bons de quoi se connaître les uns les autres. Ceux qui ont le goût de la vertu ne peuvent être ensemble sans être unis par la vertu qu’ils aiment.

Bientôt Philoclès demanda au roi de se retirer, auprès de Salente, dans une solitude, où il continua à vivre pauvrement comme il avait vécu à Samos. Le roi allait avec Mentor le voir presque tous les jours dans son désert. C’est là qu’on examinait les moyens d’affermir les lois, et de donner une forme solide au gouvernement pour le bonheur public.

Les deux principales choses qu’on examina furent l’éducation des enfants, et la manière de vivre pendant la paix. Pour les enfants, Mentor disait : Ils appartiennent moins à leurs parents qu’à la république ; ils sont les enfants du peuple, ils en sont l’espérance et la force ; il n’est pas temps de les corriger quand ils se sont corrompus. C’est peu que de les exclure des emplois, lorsqu’on voit