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LIVRE xi.

allait élever sur ses ruines. Mais Protésilas cherchait avec empressement Philoclès ; il voulait lui faire pitié, et l’engager à demander au roi qu’il pût retourner à Salente. Philoclès était trop sincère pour lui promettre de travailler à le faire rappeler, car il savait mieux que personne combien son retour eût été pernicieux : mais il lui parla fort doucement, lui témoigna de la compassion, tâcha de le consoler, l’exhorta à apaiser les dieux par des mœurs pures, et par une grande patience dans ses maux. Comme il avait appris que le roi avait ôté à Protésilas tous ses biens injustement acquis, il lui promit deux choses, qu’il exécuta fidèlement dans la suite : l’une fut de prendre soin de sa femme et de ses enfants, qui étaient demeurés à Salente, dans une affreuse pauvreté, exposés à l’indignation publique ; l’autre était d’envoyer à Protésilas, dans cette île éloignée, quelque secours d’argent pour adoucir sa misère.

Cependant les voiles s’enflent d’un vent favorable. Hégésippe, impatient, se hâte de faire partir Philoclès. Protésilas les voit embarquer : ses yeux demeurent attachés et immobiles sur le rivage ; ils suivent le vaisseau qui fend les ondes, et que le vent éloigne toujours. Lors même qu’il ne peut plus le voir, il en repeint encore l’image dans son esprit. Enfin, troublé, furieux, livré à son désespoir, il s’arrache les cheveux, se roule sur le sable, reproche aux dieux leur rigueur, appelle en vain à son secours la cruelle mort, qui, sourde à ses prières, ne daigne le délivrer de tant de maux, et qu’il n’a pas le courage de se donner lui-même.

Cependant le vaisseau, favorisé de Neptune et des vents, arriva bientôt à Salente. On vint dire au roi qu’il entrait déjà dans le port : aussitôt il courut au-devant de Philoclès avec Mentor ; il l’embrassa tendrement, lui témoigna