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LIVRE x.

dieux ; et, par une sage prévoyance, on voyait, dans une profonde paix, tous les préparatifs de la guerre.

Ensuite Mentor sortit de la ville avec Idoménée, et trouva une grande étendue de terres fertiles qui demeuraient incultes : d’autres n’étaient cultivées qu’à demi, par la négligence et par la pauvreté des laboureurs, qui, manquant d’hommes et de bœufs, manquaient aussi de courage et de force de corps pour mettre l’agriculture dans sa perfection. Mentor, voyant cette campagne désolée, dit au roi : La terre ne demande ici qu’à enrichir ses habitants ; mais les habitants manquent à la terre. Prenons donc tous ces artisans superflus qui sont dans la ville, et dont les métiers ne serviraient qu’à dérégler les mœurs, pour leur faire cultiver ces plaines et ces collines. Il est vrai que c’est un malheur, que tous ces hommes exercés à des arts qui demandent une vie sédentaire ne soient point exercés au travail ; mais voici un moyen d’y remédier. Il faut partager entre eux les terres vacantes, et appeler à leur secours des peuples voisins, qui feront sous eux le plus rude travail. Ces peuples le feront, pourvu qu’on leur promette des récompenses convenables sur les fruits des terres mêmes qu’ils défricheront : ils pourront, dans la suite, en posséder une partie, et être ainsi incorporés à votre peuple, qui n’est pas assez nombreux. Pourvu qu’ils soient laborieux, et dociles aux lois, vous n’aurez point de meilleurs sujets, et ils accroîtront votre puissance. Vos artisans de la ville, transplantés dans la campagne, élèveront leurs enfants au travail et au goût de la vie champêtre. De plus, tous les maçons des pays étrangers, qui travaillent à bâtir votre ville, se sont engagés à défricher une partie de vos terres, et à se faire laboureurs : incorporez-les à votre peuple dès qu’ils auront