Page:Fenelon - Aventures de Telemaque suivies du recueil des fables, Didot, 1841.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
LIVRE x.

dans les plus extrêmes périls ; mais sachez que Minerve ne vous abandonnera point.

À ces mots, Télémaque crut sentir la présence de la déesse ; et il eût même reconnu que c’était elle qui parlait pour le remplir de confiance, si la déesse n’eût rappelé l’idée de Mentor, en lui disant : N’oubliez pas, mon fils, tous les soins que j’ai pris pendant votre enfance, pour vous rendre sage et courageux comme votre père. Ne faites rien qui ne soit digne de ses grands exemples, et des maximes de vertu que j’ai tâché de vous inspirer.

Le soleil se levait déjà, et dorait le sommet des montagnes, quand les rois sortirent de Salente pour rejoindre leurs troupes. Ces troupes, campées autour de la ville, se mirent en marche sous leurs commandants. On voyait de tous côtés briller le fer des piques hérissées ; l’éclat des boucliers éblouissait les yeux ; un nuage de poussière s’élevait jusqu’aux nues. Idoménée, avec Mentor, conduisait dans la campagne les rois alliés, et s’éloignait des murs de la ville. Enfin ils se séparèrent, après s’être donné de part et d’autre les marques d’une vraie amitié ; et les alliés ne doutèrent plus que la paix ne fût durable, lorsqu’ils connurent la bonté du cœur d’Idoménée, qu’on leur avait représenté bien différent de ce qu’il était : c’est qu’on jugeait de lui, non par ses sentiments naturels, mais par les conseils flatteurs et injustes auxquels il s’était livré.

Après que l’armée fut partie, Idoménée mena Mentor dans tous les quartiers de la ville. Voyons, disait Mentor, combien vous avez d’hommes et dans la ville et dans la campagne voisine ; faisons-en le dénombrement. Examinons aussi combien vous avez de laboureurs parmi ces hommes. Voyons combien vos terres portent dans les an-