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TÉLÉMAQUE.

un cœur qui sait souffrir la peine et fouler aux pieds les plaisirs.

Télémaque répondit en soupirant : Que les dieux me fassent périr plutôt que de souffrir que la mollesse et la volupté s’emparent de mon cœur ! Non, non, le fils d’Ulysse ne sera jamais vaincu par les charmes d’une vie lâche et efféminée. Mais quelle faveur du ciel nous a fait trouver, après notre naufrage, cette déesse ou cette mortelle qui nous comble de biens ?

Craignez, repartit Mentor, qu’elle ne vous accable de maux ; craignez ses trompeuses douceurs plus que les écueils qui ont brisé votre navire : le naufrage et la mort sont moins affreux que les plaisirs qui attaquent la vertu. Gardez-vous bien de croire ce qu’elle vous racontera. La jeunesse est présomptueuse, elle se promet tout d’elle-même : quoique fragile, elle croit pouvoir tout et n’avoir jamais rien à craindre ; elle se confie légèrement et sans précaution. Gardez-vous d’écouter les paroles douces et flatteuses de Calypso, qui se glisseront comme un serpent sous les fleurs ; craignez le poison caché ; défiez-vous de vous-même, et attendez toujours mes conseils.

Ensuite ils retournèrent auprès de Calypso, qui les attendait. Les nymphes, avec leurs cheveux tressés et des habits blancs, servirent d’abord un repas simple, mais exquis pour le goût et pour la propreté. On n’y voyait aucune autre viande que celle des oiseaux qu’elles avaient pris dans des filets, ou des bêtes qu’elles avaient percées de leurs flèches à la chasse : un vin plus doux que le nectar coulait des grands vases d’argent dans des tasses d’or couronnées de fleurs. On apporta dans des corbeilles tous les fruits que le printemps promet et que l’automne répand sur la terre. En même temps, quatre jeunes nymphes