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TÉLÉMAQUE.

choses qu’on vous promettra soient fidèlement accomplies. Ce qui vous irrite, ô Manduriens, s’écria-t-il, c’est que les troupes des Crétois ont saisi les passages de vos montagnes par surprise, et que par là ils sont en état d’entrer malgré vous, aussi souvent qu’il leur plaira, dans le pays où vous vous êtes retirés, pour leur laisser le pays uni qui est sur le rivage de la mer. Ces passages, que les Crétois ont fortifiés par de hautes tours pleines de gens armés, sont donc le véritable sujet de la guerre. Répondez-moi : y en a-t-il encore quelque autre ?

Alors le chef des Manduriens s’avança, et parla ainsi : Que n’avons-nous pas fait pour éviter cette guerre ! Les dieux nous sont témoins que nous n’avons renoncé à la paix que quand la paix nous a échappé sans ressource par l’ambition inquiète des Crétois, et par l’impossibilité où ils nous ont mis de nous fier à leurs serments. Nation insensée ! qui nous a réduits malgré nous à l’affreuse nécessité de prendre un parti de désespoir contre elle, et de ne pouvoir plus chercher notre salut que dans sa perte ! Tandis qu’ils conserveront ces passages, nous croirons toujours qu’ils veulent usurper nos terres, et nous mettre en servitude. S’il était vrai qu’ils ne songeassent plus qu’à vivre en paix avec leurs voisins, ils se contenteraient de ce que nous leur avons cédé sans peine, et ils ne s’attacheraient pas à conserver des entrées dans un pays contre la liberté duquel ils ne formeraient aucun dessein ambitieux. Mais vous ne les connaissez pas, ô sage vieillard ! C’est par un grand malheur que nous avons appris à les connaître. Cessez, ô homme aimé des dieux, de retarder une guerre juste et nécessaire, sans laquelle l’Hespérie ne pourrait jamais espérer une paix constante. Ô nation ingrate, trompeuse et cruelle, que les dieux irrités ont envoyée auprès de nous